Notre lettre 367 publiée le 21 décembre 2012
LES CLOCHES REJETÉES :UN BIEN TRISTE CONTE DE NOËL ET UN APPEL À SAUVERLES CLOCHES DE NOTRE-DAME DE PARIS
Les cloches de Notre-Dame finiront-elles, avec la bénédiction de l'archevêché de Paris, comme pacotille pour touristes alors qu'une communauté catholique est prête à les accueillir et à les faire encore résonner ?
C’est Le Figaro qui a révélé l'affaire dans un article du 9 novembre dernier, sous le titre polémique : “ La guerre des cloches de Notre-Dame est déclarée ”. De quoi s'agit-il ?
Dans le cadre du 850ème anniversaire de Notre-Dame, les cloches de la cathédrale ont été déposées en février 2012 en vue de permettre à la cathédrale “ de retrouver le paysage sonore qu’elle possédait à la fin du XVIIIe siècle ”. Un projet légitime si l'on considère que les quatre cloches concernées, installées en 1856 dans la tour nord, en remplacement de celles détruites à la Révolution, n'offraient que de piètres qualités acoustiques en raison de la mauvaise qualité de leur fonte.
Loin de nous l'idée de critiquer l'ambition qui consiste à vouloir redonner à la cathédrale un équipement campanaire à la hauteur de sa vocation et de son histoire. Bienvenue donc aux nouvelles cloches qui devraient sonner pour la première fois pour les Rameaux. En revanche, c'est le sort réservé aux anciennes cloches qui laisse perplexe.
Promises à la destruction et soi-disant vouées à être recyclées sous forme de clochettes pour touristes, elles ont fait l'objet d'une offre d'achat de la part de l'Institut Sainte-Croix de Riaumont, validée le 25 octobre 2012 par la Direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France (Drac), responsable du devenir des cloches. Mais, quelques jours plus tard, Mgr Jacquin, recteur de Notre-Dame et président de l'association présidant à son 850ème anniversaire, a opposé son veto à cette transaction.
C'est ce blocage ecclésiastique qui a provoqué l'intérêt des médias pour l'affaire. Nous vous livrons, en cette veille de Noël, les éléments de ce bien triste conte qui n'est en fait qu'une énième illustration de la parabole des talents avec dans le rôle du jardinier timoré la hiérarchie ecclésiastique (en l'occurrence Mgr Jacquin) et dans le rôle du talent enterré le monde traditionnel (en l'occurrence Riaumont).
I – LES COMMUNIQUÉS DE RIAUMONT
a) Communiqué n°1 du prieur de Riaumont
(10 novembre 2012, au lendemain de l'article du Figaro)
Un article du Figaro rend compte de l’action que j’ai entreprise au nom de la Communauté Sainte-Croix de Riaumont et des enfants défavorisés dont elle s’occupe pour sauver de la destruction quatre cloches prestigieuses de la cathédrale Notre Dame de Paris. J’aurais mauvaise grâce à critiquer un article qui présente de façon sympathique la démarche de ma Communauté. Toutefois je tiens à me démarquer de l’analyse très sévère qu’il fait de l’opération de restauration des cloches de Notre Dame. Il est incontestable que ces cloches étaient mal accordées au grand Bourdon. A mon avis, cette magnifique entreprise et les frais qu’elle entraîne sont pleinement justifiés et je ne m’associe pas à ceux qui la dénigrent.
L’article dénonce à bon droit le traitement réservé aux anciennes cloches. Quels que soient les considérants administratifs de l’affaire, il est inconcevable de s’en débarrasser comme des objets encombrants de consommation courante qu’on jette quand on n’en a plus l’utilité. Je ne peux pas croire qu’il n’existe pas une solution juridique pour sauver ces cloches. Quelle que soit leur valeur musicologique, elles sont des témoins des grandes heures de la capitale : elles ont sonné l’armistice de 1918, la libération de Paris et la visite de Jean-Paul II en 1980 !
Plus encore, ces cloches sont des objets consacrés par une bénédiction spéciale qui les retire de l’usage profane pour leur conférer une mission sacrée qui est d’appeler à la prière. Par là même, elles ont une vocation à la pérennité et ne peuvent être détruites qu’en dernière extrémité, pour éviter par exemple qu’une extrême vétusté ne finisse par les profaner, ce qui est évidemment très loin d’être le cas des cloches de Notre Dame.
Pour éviter ce gâchis et parce que nous en avions l’utilité à Riaumont, dans le clocher en construction de notre future église, j’ai effectivement demandé que ces cloches en déshérence nous soient attribuées, et cette solution heureuse a été facilement agréée en juillet dernier par le responsable des Monuments historiques. Je ne comprends pas que cette procédure ait été interrompue sans explication.
Je tiens absolument à souligner qu’avant d’en venir aux moyens légaux que détaille l’article et de répondre aux questions des journalistes, j’ai multiplié pendant trois semaines des démarches amiables auprès de l’archevêché. Je suis peiné qu’elles n’aient rencontré que le silence. Les courriers sont restés sans réponse écrite. Les visites n’ont amené aucune réaction. L’une d’entre elles a été tout simplement éconduite. A l’heure du dialogue et de la communication, je le regrette vivement. Il n’y a eu de ce fait même aucune " violence " dans nos échanges ; sur ce point, le récit de la journaliste du Figaro a été au-delà de mes propos.
De tous ces échecs, j’ai bien sûr informé mes supérieurs religieux. J’ai alors, sans " colère " mais sans faiblesse non plus, employé les moyens que me donne la loi. J’ai mené et continuerai de mener deux actions bien distinctes :
– en tant que Président de l’Association de Sauvegarde du Patrimoine Religieux et Liturgique, j’ai dans l’urgence fait mettre les cloches sous protection judiciaire. C’est une action civile qui n’a rien d’une agression. Si malgré cette démarche, les cloches venaient à être détruites, j’entamerais la procédure prévue par mon avocat,
– en tant que Président de l’Association Sainte-Croix de Riaumont, je continue à demander que ces cloches soient dévolues au chantier de l’église Saint-Jean-Baptiste à Riaumont, puisqu’à ce jour aucune raison ne m’a été donnée de ne pas conclure la procédure entérinée en juillet dernier par la DRAC.
Il est évident que si, après mûre réflexion, l’Archevêché désignait une autre destination à ces cloches, pour qu’elles continuent de chanter la gloire de Dieu et d’appeler à la prière, je serais déçu mais rassuré.
À l’heure où tous les chrétiens se retrouvent derrière leurs évêques pour défendre dans la société des sujets essentiels, il serait malhonnête d’interpréter comme un signe de division dans l’Église une affaire administrative qui peut trouver très facilement une solution convenable pour toutes les parties.
Mais puisque les cloches, comme le répète l’archevêché, appartiennent à l’État, pourquoi donc celui-ci n’attribuerait-il pas ces cloches à un chantier-école, qui a pour mission la formation d’enfants en grande difficulté scolaire et parfois familiale et sociale ?
b) Communiqué n°2 (15 décembre 2012)
Sauver les cloches de Notre-Dame !
Le combat continue !
Plus d’un mois après la publication du précédent communiqué ; plus d’un mois après le recours présenté auprès de l’Archevêché de Paris par l’Association Sainte-Croix de Riaumont, afin d’obtenir un règlement amiable d’une affaire qui devrait sembler simple aux hommes de bonne volonté ; plus d’un mois après la mise des cloches sous protection de la justice, signifiée par voie d’huissier à la Cathédrale Notre-Dame de Paris et à la Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Ile de France.
Cette mesure de saisie conservatoire des cloches n’a été contestée par personne, ce qui suffit à prouver sa légitimité … mais elle risquait de devenir caduque en l’absence de nouvelle revendication de notre part.
Or nous n’avons reçu à ce jour aucune réponse, ni de l’État, ni de l’Archevêché, ni des autorités de la cathédrale. Regrettant de porter devant la justice un litige qui oppose deux associations catholiques, nous avons dû mandater l’avocat de notre association qui a délivré dans les délais impartis une assignation aux services de la DRAC et à l’Association du 850ème anniversaire de la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Il y aura donc procès pour obtenir que les quatre cloches de Notre-Dame soient effectivement attribuées au chantier-école du Village d’enfants de Riaumont. Notre détermination en cette affaire est d’autant plus forte que notre enquête a révélé depuis la véritable raison pour laquelle la Cathédrale de Paris s’oppose à la décision entérinée par la DRAC en juillet dernier.
Il était prévu dans le cahier des charges de l’opération de fonte des nouvelles cloches que la fonderie adjudicataire du marché devait casser puis fondre les cloches originelles afin de les transformer en clochettes publicitaires ; lesquelles devaient être revendues aux touristes avec la mention " coulées dans le métal des anciennes cloches de Notre-Dame ".
Cette opération a fait l’objet d’un lot spécifique de l’appel d’offre, prévoyant la réalisation de clochettes en trois tailles différentes : 100 000 petites, 10 000 moyennes et 1000 plus grosses (d’un diamètre de vingt centimètres). Obligation a été faite aux entreprises concurrentes de traiter ce lot comme les autres sous peine d’être disqualifiées.
Les entreprises concurrentes ont fait valoir qu’elles n’étaient pas capables de traiter l’affaire elles-mêmes mais seraient obligées de sous-traiter l’opération en Chine …
Tel est le sort réservé aux quatre cloches de Notre-Dame si nous ne continuons pas le combat !
Ces détails sordides justifient plus encore que nous ne l’imaginions au début l’initiative prise de mettre les cloches de Notre-Dame, objets liturgiques consacrés, et par ailleurs protégés par le Code Patrimonial, sous la protection de la justice. Ils nous déterminent avec une énergie renouvelée à demander que soit mené à bon terme le processus entériné par la DRAC, au cours de la réunion en ses locaux avec l’Observatoire du Patrimoine Religieux en juillet dernier qui prévoyait l’attribution de ces cloches vénérables au chantier-école de Riaumont.
La Mairie de notre commune de Liévin, consultée sur cette affaire, nous apporte son entier soutien.
C’est pourquoi, pour triompher du mutisme des décisionnaires concernés, nous lançons désormais une pétition publique, ouverte à tous ceux que révolte l’idée de voir ces cloches emblématiques de notre patrimoine national et religieux, détruites et reconverties en gadgets touristiques.
Faites circuler cette pétition !
Aidez-nous à sauver les cloches de Notre Dame !
Le texte de la pétition est accessible à cette adresse.
Plus d'informations ici.
II – LES COMMENTAIRES DE PAIX LITURGIQUE
1) Fondre les cloches de Notre-Dame pour les vendre sous forme de clochettes… Est-il vraiment nécessaire pour les catholiques de se livrer à de telles opérations de vulgaire « merchandising » ? Espérons, si on en arrive là, qu’il n’y aura pas plus de clochettes que de bronze à fondre. On pense aux « clefs de la Bastille » vendues en grand nombre après le 14 juillet 1789...
2) Et si, plutôt que d'une affaire commerciale il s'agissait d'une affaire idéologique ? Pourquoi ? Parce que les moines de Riaumont célèbrent selon la forme extraordinaire du rite romain et sont les garants d'un scoutisme traditionnel à tous points de vue ! La querelle autour des cloches de Notre-Dame offre en effet des similitudes frappantes avec l’opposition épiscopale à la célébration de la forme extraordinaire en général et à l’application du Motu Proprio en particulier.
a) Plutôt la destruction que Riaumont !
Alors que la cathédrale a pris la décision de détruire les cloches et que Riaumont a l’accord de la DRAC pour les récupérer ; alors que Riaumont a multiplié les démarches amiables et a même proposé de racheter les cloches au prix du métal, les autorités de la cathédrale empêchent la bonne réalisation de ce projet. Plutôt la mort des cloches que leur récupération par Riaumont semble être le mot d’ordre à la cathédrale et à l’évêché de Paris ! Cette attitude n’est pas sans rappeler celle de certains évêques qui, à l’instar de Mgr Turini (Cahors) préfèrent une maison religieuse vide plutôt qu’occupée par le séminaire d'un institut Ecclesia Dei ou qui préfèrent fermer des églises plutôt que de les confier à un groupe stable de fidèles Summorum Pontificum.
b) Ce n'est pas la « bonne méthode »... Vraiment ?
Assigner en justice des autorités religieuses, faire un procès à une association catholique est-ce la bonne méthode ? Ne conviendrait il pas de dialoguer ? N’est ce pas diviser que d’agir ainsi ? Combien de fois cette question de la « bonne méthode » n’a-t-elle pas été opposée aux demandeurs de célébrations de messes traditionnelles qui, las de se faire mener en bateau par des curés malveillants, ont fini par en appeler publiquement à leurs frères diocésains et ont porté sur la place publique les basses manœuvres des ennemis de l'unité de l'Église ? Certes, il serait bien préférable de trouver un accord amiable. Mais l’œuvre de Riaumont a-t-elle le choix de la méthode quand les autorités de la cathédrale de Paris refusent le dialogue, font la sourde oreille et professent des inexactitudes ? Comment dialoguer avec des personnes qui ne le veulent pas ? La vérité consiste à rappeler que les autorités de la cathédrale de Paris ne laissent pas d’autre alternative à Riaumont.
c) Le recours au droit
L'œuvre de Riaumont ne craint pas d'intenter un procès pour faire reconnaître son bon droit. Il ne s'agit plus, là, d'une similitude entre Riaumont et l'application de Summorum Pontificum mais plutôt d'une anticipation : souvent envisagée, pas encore mise en œuvre, la voie du procès canonique pour non-application du Motu Proprio par les évêques pourrait bientôt voir le jour. Des amis canonistes ayant travaillé sur le sujet nous encouragent vivement à soutenir tel ou tel groupe de demandeurs qui souhaiterait utiliser ce moyen de droit. Après tout, même les évêques ne sont pas au-dessus des lois... Une affaire – c'est bien le cas de le dire – à suivre...
3) À l’heure où l’on en appelle à la générosité de l’Église dans la gestion du « mal-logement » et où beaucoup d’injustices et d’inexactitudes sont lancées contre l’Église à ce sujet par les laïcistes forcenés, voilà une belle occasion de générosité manquée par l’archevêché de Paris et les autorités de la cathédrale. Le village d’enfants de Riaumont est en effet avant tout une œuvre charitable qui s’occupe depuis des décennies d’enfants en grande difficulté scolaire et parfois familiale et sociale, une œuvre qui ne dispose que de très peu de moyens.
Au-delà de la parabole liturgique, c'est sans doute ce qui choque le plus dans cette affaire : un diocèse encore riche préfère détruire des cloches (qui ne lui appartiennent d’ailleurs pas) plutôt que de les voir attribuées à un chantier-école (trop ?) catholique pour jeunes en difficulté.
Prions alors pour que le mystère de Noël opère et que les décisionnaires parisiens de ce dossier reviennent sur leur veto et permettent aux cloches de Notre-Dame de résonner aussi pour les enfants de Riaumont...