Notre lettre 333 publiée le 1 mai 2012

600 FIDÈLES DEMANDEURS TOUJOURS PRIVÉS DE MOTU PROPRIO À VERSAILLES

Dans nos récentes lettres 327 et 330, nous avons abordé la question du " fichage " des demandeurs et expliqué les raisons de notre opposition à cette pratique illégale et discriminatoire. Le problème pourrait se renforcer du fait de la régularisation canonique de la FSSPX, dans la mesure où il faudra trouver le moyen de déterminer quels fidèles ont droit, dans les églises qu'elle dessert, aux sacrements tels que le mariage et le baptême alors que, sauf fichage précisément, leur appartenance à Saint-Pie-X n’est pas identifiable.

Pour notre part, nous défendons le principe cardinal que la forme extraordinaire du rite romain n’est pas une liturgie de ghetto. Elle est un bien spirituel et liturgique qui est de droit à la disposition de tous les fidèles, pour tous les sacrements :
- tous les fidèles catholiques de rite romain doivent pouvoir y accéder dans toutes les paroisses territoriales « ordinaires » ;
- inversement, tous les lieux réservés à la liturgie « extraordinaire » doivent être accessibles à tous les fidèles catholiques de rite romain.

En ce qui concerne le « fichage » des groupes stables demandeurs de la forme extraordinaire dans les paroisses, nous citions, pour illustrer nos propos, le cas de paroisses où une liste de demandeurs a été spontanément fournie sans que cela n’influe aucunement sur le refus du curé d’offrir à ses fidèles la forme extraordinaire de la messe. Parmi celles-ci, un cas est particulièrement emblématique, celui de la paroisse Notre-Dame, à Versailles : 125 familles, représentant plus de 600 fidèles habitant le ressort territorial de la paroisse (*), y ont signé une demande nominative dès les premières semaines de l’entrée en vigueur du Motu Proprio Summorum Pontificum. En dépit de l’importance de ce groupe, rien n’a depuis été mis en place pour répondre à leur demande qui remplissait toutes les conditions requises juridiques, psychologiques et pastorales, comme on le précisera. Pas même une célébration mensuelle en semaine, ce qui constitue souvent la réponse a minima des autorités ecclésiastiques peu pressées de répondre généreusement aux fidèles mais pas forcément résolues à désobéir ouvertement au pape.

Le cas de Notre-Dame de Versailles est d’autant plus intéressant que les signataires ont pris soin de proposer deux listes au curé : celle demandant l’application du Motu Proprio pour le signataire et les personnes qu’il représente, et une autre prenant acte du désir du signataire d’accepter la forme extraordinaire dans la paroisse même s’il n’est pas nécessairement intéressé pour lui-même. La démarche est originale, cette deuxième liste étant baptisée " liste de bon accueil ", et témoigne du désir profond des demandeurs de concourir à la concorde paroissiale. Elle n’en est pas moins restée, jusqu’à présent, infructueuse.


I – LE POINT SUR LA DEMANDE À NOTRE-DAME-DE-VERSAILLES


Dès l’entrée en vigueur du Motu Proprio, en septembre 2007, quelques fidèles de la paroisse ont commencé à recueillir des signatures de fidèles désireux de la forme extraordinaire ou tout simplement favorable à sa célébration dans la perspective d’un enrichissement de la vie liturgique de la paroisse par la coexistence pacifique des deux formes du rite. Arrivant très vite à la centaine de familles de demandeurs, ils firent part de leur désir au curé qui les renvoya – contre l’esprit et la lettre du texte de Benoît XVI – vers le diocèse. Diocèse qui les invita, à son tour, à reprendre langue avec le curé. Bref, comme l’écrivit l’hebdomadaire Les Nouvelles de Versailles dans son numéro du 1er octobre 2008 : « Pour eux, la messe n’est pas encore dite ». Il faut dire que, comme l’expliquait l’un des demandeurs au journal « ce que l’on veut, c’est être dans notre paroisse » alors que la réponse qui leur est faite est : « il existe déjà des lieux pour cette messe ».

Un « allez voir ailleurs si j’y suis » malheureusement banal dans le diocèse de Versailles où l’administration diocésaine préfère maintenir voire accroître sensiblement l’importance des « lieux réservés » plutôt que favoriser le mélange pacifique et l’enrichissement mutuel au sein des paroisses comme le souhaitent le Pape... et les familles de Notre-Dame. Une ambition légitime puisque conforme à l’esprit comme à la lettre du Motu Proprio et parfaitement résumée par l’un des demandeurs dans l’article des Nouvelles de Versailles : « Nous ne voulons pas être une réserve d’indiens liturgiques, mais des paroissiens. » Des paroissiens comme les autres, des paroissiens à part entière, ni plus ni moins.

Des propos confirmés quelques semaines plus tard dans une lettre ouverte au cardinal Vingt-Trois, réagissant à un article venimeux comme La Croix sait en produire : « Nous sommes des catholiques pratiquants comme les autres et non des “ militants ”, et il nous paraît surprenant de nous considérer comme en dehors de l’Église, ceci alors même que des membres de notre communauté stable ont été élus au conseil pastoral pour l’évangélisation de la paroisse ». Et les représentants de la demande de préciser : « L’un des apports essentiels du concile Vatican II est d’affirmer le rôle du laïc dans l’Église, tout en respectant dans sa Constitution sur la Liturgie, la Tradition vivante de l’Église. C’est dans ce droit fil que nous menons notre action. » Des propos clairs et tout à fait sincères qui ne trouveront que peu d’écho – peu est encore trop dire – auprès du président de la Conférence des évêques de France...

De fait, face au gel de la situation et à l’absence de dialogue, le 25 mars 2009, les demandeurs de Notre-Dame de Versailles s’associent aux autres représentants des communautés de demandeurs stables de célébrations " extraordinaires " du diocèse des Yvelines pour s’adresser au cardinal Castrillón Hoyos, alors président de la Commission Ecclesia Dei : « Aujourd’hui, les fidèles du diocèse de Versailles sont désemparés et parfois même choqués des réponses systématiquement négatives et des fins de non-recevoir qui leur sont apportées depuis un an et demi par leurs curés et par Monseigneur Éric Aumonier. Ils sont confrontés à des murs qui loin de les accueillir les méprisent et les excluent. » Citant « les trois plus fortes demandes du diocèse », les auteurs commencent précisément par celle de Notre-Dame où « ce sont plus de 125 familles soit plus de 600 paroissiens du ressort de la paroisse qui ont demandé l’application du texte de notre Saint Père. Depuis un an et demi, ils s’engagent dans la paroisse, participent à l’organisation de la kermesse, à la nuit de la foi… De nombreux échanges ont eu lieu avec le Père Guy Cordonnier et Monseigneur Éric Aumonier. C’est un refus systématique. Lorsque nous demandons à être reçus par le conseil pastoral, le Père Cordonnier refuse tout dialogue entre les demandeurs et l’équipe pastorale actuelle. Aucune communication n’est réalisée dans la paroisse pour évoquer cette forte demande. »

Répondant à l’objection selon laquelle « il existe déjà une offre importante dans le diocèse », ce courrier rappelle que « la demande est considérable, les messes sous la forme extraordinaire dans les lieux qui existaient avant le Motu Proprio sont bondées » et que « le seul lieu accordé par Monseigneur Éric Aumonier depuis sa nomination à Versailles, à savoir la chapelle de l’Immaculée Conception confiée à la Fraternité Saint Pierre » affiche lui aussi complet. De toute façon, concluent les auteurs, « de très nombreux fidèles des paroisses veulent vivre leur foi dans leur paroisse et ne pas être parqués dans des ghettos liturgiques. C’est du moins la lecture qu’ils font du Motu Proprio Summorum Pontificum ».

Le changement d’équipe au sein de la Commission Ecclesia Dei au cours de l’été 2009 fera malheureusement que cette supplique restera sans effet.

En 2010-2011, le diocèse de Versailles a été réuni en synode par son évêque. Comme le rapporta alors le site www.summorum-pontificum.fr, « près de 25 propositions synodales ont été présentées sur la question de la forme extraordinaire » à l’initiative de la paroisse Notre-Dame, « soit près de 30 % des propositions » émanant de cette paroisse. La preuve de la vitalité, de la stabilité et de l’ampleur de la demande. Cette participation active à la vie diocésaine ne fut toutefois pas suffisante pour faire bouger les choses.

Pratiquement, depuis cette date, et en dépit du fait qu’une vingtaine de nouvelles familles se soient jointes à la demande, celle-ci est comme au point mort. L’espérance des fidèles est cependant toujours vive, reposant sur l’exemplarité de leur engagement au sein de la paroisse et l’effet de leurs prières sur le cœur du clergé réticent. Mais le temps passe et, sauf manifestation providentielle, on ne voit guère de signe d’ouverture à l’horizon.



II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE


1) Pour comprendre pourquoi une demande exemplaire d’application de Summorum Pontificum comme l’est celle de Notre-Dame de Versailles demeure ignorée plus de quatre ans après sa formulation, il faut revenir aux propos tenus par le vicaire général du diocèse de Versailles, le père Leborgne, intervenant au nom de l’évêque, lors de la première rencontre Réunicatho du 28 septembre 2008 à Versailles :

« Le Pape fait donc appel à la responsabilité pastorale des curés pour, si l’on peut dire, élargir la communion sans l’abîmer. Je vais prendre deux exemples pour illustrer ce propos. Nous sommes confrontés à Versailles à un bon problème, aussi paradoxal cela puisse-t-il paraître. Les églises de Versailles, et vous pourrez vérifier, sont pleines le dimanche. La paroisse Notre-Dame, pour ne citer qu’elle, rassemble tous les dimanches 3600 fidèles pour la messe, selon la forme ordinaire du rite. La demande qui a été faite, au moins dans une de ses formulations à un moment, demanderait de déplacer peu ou prou toutes les messes du matin, ce qui concerne 2500 fidèles. »

Bref, parce que, « dans une de ses formulations à un moment », les fidèles ont pu demander qu’une célébration selon la forme extraordinaire soit ajoutée aux messes dominicales, la loi de la majorité veut que la demande soit rejetée. Même en acceptant cet argument de nature logistique quand on aimerait plutôt une réponse de nature charitable, on s’interroge sur le silence du père Leborgne, donc du diocèse, sur les autres formulations faites à un autre moment par les demandeurs ? Et, par exemple, sur la solution la plus facile à mettre en œuvre dans un contexte où 600 fidèles sur 3600 sont concernés : à savoir la transformation d’une des messes ordinaires en messe extraordinaire ?

Mais ce n’est pas tout puisque le père Leborgne ajoute plus loin : « Sommes-nous fidèles à l’esprit du Motu Proprio quand on veut une messe, quitte à faire venir un prêtre d’ailleurs pour la célébrer et donner le catéchisme, ou devons-nous favoriser des solutions véritablement paroissiales où un prêtre puisse célébrer la messe selon les deux formes du missel pour rassembler sa communauté et offrir une vraie cohérence pastorale ? » Des propos qui trahissent une surdité incroyable au discours des demandeurs et à la réalité, totalement paroissiale, de leur demande !

Rappelons que le Père Leborgne tenait ces propos le 28 septembre 2008. Plus de mille jours plus tard, nous ne pouvons que constater, à la lumière du traitement réservé à la demande de Notre-Dame de Versailles, qu’aucun effort n’a été fait pour « favoriser des solutions véritablement paroissiales », rassembler les communautés et « offrir une vraie cohérence pastorale ». De bonne foi pourquoi pas, de mauvaise volonté, sûrement !

2) Comme nous l’écrivions dans notre lettre 330, relatant les réactions de nos lecteurs au fichage des demandeurs, « le maintien d’une telle pratique, lorsque les demandeurs acceptent de s’y plier, devrait logiquement se retourner en faveur desdits demandeurs ». À quoi bon exiger une liste nominative de demandeurs – condition, rappelons-le, illégale, mais que les fidèles peuvent juger opportun d’accepter voire d’anticiper – si sa remise n’influe en aucun cas sur le refus d’application du Motu Proprio ?

« De deux choses l’une en effet, écrivions-nous, soit cette exigence est un énième moyen de ne pas appliquer le Motu Proprio, soit c’est une demande faite de bonne foi pour juger concrètement de l’existence du groupe stable. » Dans ce dernier cas, le respect de cette exigence par les fidèles devrait entraîner une automaticité de l’accord, ou du moins ouvrir sur la mise en œuvre d’une expérience droite et honnête.

Dans notre lettre 327, nous avancions quatre raisons pour nous dire réservés quant aux demandes de fichage des demandeurs :
a) ces listes sont surtout utilisées pour faire pression négativement sur les demandeurs,
b) ces listes constituent une exigence manifestement discriminatoire,
c) ces demandes sont impossibles à satisfaire car les « silencieux » sont essentiellement... silencieux,
d) elles présentent le risque de transformer les demandeurs en pétitionnaires revendicatifs.

Le cas de la demande de Notre-Dame de Versailles, qui présente la liste la plus fournie et la plus ancienne de toutes les demandes de France, nous offre un cinquième motif de refuser la fourniture de listes de demandeurs : tout simplement, cela ne sert à rien.



(*) Et non 400 familles pour 1500 fidèles comme nous l’avons écrit par erreur dans nos précédentes lettres.

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