Notre lettre 261 publiée le 15 décembre 2010

DES MISSIONNAIRES TRÈS “SUMMORUM PONTIFICUM”

Dans notre lettre n°252, intitulée “Le temps des curés ?”, nous avons mis en exergue l'application du motu proprio dans le diocèse Fréjus-Toulon car celle-ci y est sagement laissée, comme le veulent la lettre et l'esprit de Summorum Pontificum, à l'initiative des curés par Mgr Rey. Nous indiquions alors l'existence dans ce diocèse d'une paroisse personnelle permise par l'évêque, en un geste prophétique, en 2005, soit deux ans avant la publication par le Saint Père du texte libérant la liturgie traditionnelle.
Il nous a semblé intéressant de revenir cette semaine sur la communauté à laquelle est confiée cette paroisse pour vous en offrir un portrait : les Missionnaires de la miséricorde divine.



I – PORTRAIT DES MISSIONNAIRES DE LA MISÉRICORDE DIVINE

Née en septembre 2005, de la rencontre entre Mgr Rey, évêque de Fréjus-Toulon, et l'abbé Loiseau, issu de la Fraternité Saint Pierre, la Société des Missionnaires de la miséricorde divine est une association de droit diocésain rattachée au diocèse. Reconnue ad experimentum en 2007, le jour de l'ordination du premier prêtre de la communauté, l'abbé Dubrule, elle devrait voir ses statuts confirmés dans les tous prochains mois.

Sa vocation repose sur trois piliers : la miséricorde, l’adoration et l’évangélisation, en particulier auprès des musulmans.

a) La dévotion à la miséricorde divine s'appuie sur la figure de sainte Faustine et se traduit notamment par la place donnée dans la communauté, et donc dans la paroisse, à l'accueil des pécheurs. Un accueil destiné à ramener avec patience et charité les âmes égarées à la grâce, par le point d'orgue de la confession. C'est en l'an 2000 que l'abbé Loiseau a pleinement découvert la vie de sainte Faustine et appris à apprécier sa spiritualité, directement reçue du Christ et fréquemment louée par Jean-Paul II, compatriote de la sainte.

b) La propension des Missionnaires à l'adoration se manifeste tout d'abord par une grande dévotion eucharistique avec un attachement particulier “à la célébration de la liturgie dans le rite de saint Pie V dans l’esprit du Motu Proprio Summorum Pontificum” comme le souligne leur site internet. Elle se combine aussi avec la dévotion à sainte Faustine, notamment par la pratique de l'Heure de la miséricorde tous les vendredis et la récitation collective du chapelet de la miséricorde divine.

c) Enfin, le zèle missionnaire pour la Nouvelle Évangélisation qui anime la communauté, particulièrement envers les musulmans, est bien représenté par la figure de leur saint patron secondaire, le bienheureux Charles de Foucauld, exemplaire témoin du Christ en terre d'Islam. L'apostolat des Missionnaires envers les musulmans se développe autour de la paroisse, auprès des nombreux immigrés du centre-ville de Toulon, et passe par la formation sur l’Islam et la connaissance des pays musulmans et de leur culture. À cet effet, entre leurs deux cycles de séminaire (philosophie et théologie), les séminaristes effectuent un stage d'une année dans un pays musulman. Après la Tunisie et le Liban, c'est en Algérie que se trouve le stagiaire de cette année.

En ce début d'année liturgique 2010-2011, la Société des Missionnaires de la Miséricorde Divine est composée de seize membres, dont trois prêtres, sept séminaristes et six jeunes en année de spiritualité.


Outre l'abbé Loiseau, fondateur de la communauté, les deux autres prêtres sont les abbés Dubrule et Gillet. Tous les trois sont incardinés dans le diocèse. L'abbé Dubrule a été le premier prêtre ordonné selon la forme traditionnelle du rite romain par un évêque dans sa cathédrale depuis la réforme liturgique. L'abbé Gillet, ordonné diacre le jour de l'ordination sacerdotale de l'abbé Dubrule, a été ordonné prêtre en septembre 2009.

Outre la paroisse St-François de Paule de Toulon, les Missionnaires de la miséricorde divine desservent, un dimanche sur deux, l'église St Charles de Marseille.

Si les Missionnaires ne sont pas fermés à la célébration de la forme ordinaire, “en particulier, explique l'abbé Loiseau, lors de concélébrations à l'invitation de l'évêque”, la société vit ordinairement au rythme de la forme extraordinaire du rite romain qui, poursuit-il, “représente la forme liturgique la mieux adaptée à notre spiritualité”. C'est ainsi que les séminaristes de la société, après avoir passé le début de semaine au séminaire diocésain de La Castille, passent la fin de semaine, du vendredi au dimanche, au sein de la paroisse, pour y suivre et pratiquer la liturgie traditionnelle.

Les jeunes en année de spiritualité (discernement), six cette année, se familiarisent pour leur part avec le séminaire diocésain en y assistant une fois par semaine à un cours et en y déjeunant avec les séminaristes diocésains. Bien que la forme extraordinaire ne soit pas encore enseignée ni pratiquée à La Castille, ces allées et venues - qui sont l'une des caractéristiques du séminaire toulonnais, les séminaristes des autres communautés du diocèse faisant de même - favorisent la bonne entente et une fraternité sincère entre séminaristes.

Il n'est pas exagéré d'affirmer que ce système concourt même à l'enrichissement mutuel des futurs prêtres. "Souvent, confirme l'abbé Loiseau, des séminaristes non membres des Missionnaires de la miséricorde divine viennent suivre nos cérémonies pour se familiariser, eux aussi, avec une forme liturgique qu'ils ont l'intention de célébrer plus tard, au cours de leur ministère."

De la même façon, régulièrement, des prêtres viennent se former à la forme extraordinaire auprès de la paroisse, qu'il s'agisse de prêtres diocésains ou de membres des communautés appelées par Mgr Rey pour faire vivre le diocèse. Les Missionnaires entretiennent ainsi des liens étroits avec les membres de la communauté brésilienne Shalom, issue du Renouveau Charismatique.

Début novembre, la Société des Missionnaires de la miséricorde divine a eu le privilège d'accueillir le secrétaire de la Commission Ecclesia Dei, Monseigneur Pozzo, qui était en visite dans le diocèse à l'invitation de Mgr Rey. Après avoir déjeuné le vendredi avec certains des curés du diocèse appliquant le motu proprio, Monseigneur Pozzo a en effet célébré les vêpres le samedi et la messe le dimanche matin à St-François de Paule avant de déjeuner en compagnie des Missionnaires et des paroissiens.



II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

1) L'évangélisation des populations d'origine musulmane est un défi souvent mal compris et peu toléré par les autorités religieuses. Le père Lelong a témoigné à de nombreuses reprises à ce sujet. Rien d'étonnant donc à ce que Mgr Rey fasse figure de pionnier au sein de la conférence épiscopale pour ce souci de ne pas priver les musulmans présents dans son diocèse de l'annonce de la Bonne Nouvelle.

Que c'est dur, cependant !” ne dissimule pas l'abbé Loiseau. Au bout de 5 années d'efforts, les premiers fruits sont peut-être en train d'arriver à maturité. “Pour la première année, nous avons des catéchumènes qui s'accrochent et résistent aux pressions” indique l'abbé Loiseau. D'origine algérienne ou tunisienne le plus souvent (les communautés les plus représentées dans le quartier), les jeunes garçons attirés par le Fils de Dieu fait homme doivent affronter la pression de la rue, et les jeunes filles (plus rares), celle de leurs familles.

Pour ces âmes vierges de toute connaissance catholique, confie l'abbé Loiseau, la forme liturgique n'importe que peu. En tout cas au début.”

En revanche, elle devient, “au fil du temps, un temps fort de la relation établie avec les catéchumènes”.


2) La présentation des Missionnaires de la Miséricorde, jeune institut Summorum Pontificum pourrait-on dire, est l'occasion de renouveler notre appel à l'introduction de la forme extraordinaire dans les séminaires français. Si la situation de Toulon est en avance par rapport à celle des autres diocèses, elle n'est toutefois pas encore pleinement en accord avec l'esprit du motu proprio. Quand on demande à l'abbé Loiseau s'il sait si la forme extraordinaire y sera prochainement introduite, il indique qu'il s'agirait d'une “évolution normale” mais précise qu'elle “n'est pas encore à l'ordre du jour”.

Disons le tout net, le fait que la forme extraordinaire n'ait pas encore droit de cité à la Castille est le point noir du diocèse de Fréjus-Toulon, par ailleurs exemplaire sous tant d'aspects. En effet, cette absence pèse sur les perspectives des séminaristes attirés à Toulon par l'ouverture de cœur et d'esprit de l'évêque et l'orthodoxie et le dynamisme du diocèse.

Souhaitons alors, à l'orée de 2011, que la situation évolue prochainement, a minima à l'instar de ce qui se fait dans le diocèse de Lyon (voir les lettres de Paix Liturgique n°253 et n°253 bis).


3) Sur la page internet de la paroisse St-François de Paule, l'abbé Loiseau résume les principales idées soulevées par Mgr Pozzo lors de sa venue à Toulon. Nous en retiendrons trois, qui témoignent de l'état d'esprit qui devrait caractériser le prochain décret d'application du Motu Proprio :

- la forme extraordinaire doit avoir toute sa place dans l'église, il n'est pas question de la marginaliser car nous ne sommes plus dans un régime d'indult, mais de pleine libéralisation,

- la forme extraordinaire du rite est un élément essentiel de la Nouvelle Évangélisation,

- admettre la forme extraordinaire, ce n'est pas une concession que ferait l'évêque, mais un droit des fidèles.


4) Par leurs caractéristiques et charismes propres les Missionnaires de la Miséricorde collaborent intensément à une vraie réconciliation et à la mise en place de la paix liturgique au sein du diocèse où ils sont installés. Ils représentent, d'une manière vivante et dynamique, l'une des réponses au motu proprio du 7 juillet 2007. Certes, dans leurs célébrations publiques, ils utilisent plus ou moins ce qu’il est convenu de nommer les « rubriques de 1965 », de préférence à celle de 1962 - cette entorse au Motu Proprio étant assurément due aux initiatives missionnaires de ce jeune institut.


Reste que ce qui est notable, c'est la collaboration des Missionnaires avec les toujours plus nombreux curés du diocèse qui, de leur propre chef comme le permet le Saint Père dans le motu proprio, œuvrent dans leurs paroisses à une vraie réconciliation des fidèles par l'offre de la forme extraordinaire du rite latin à côté de la forme ordinaire, source d'innombrables grâces pour leurs ouailles. Voilà pourquoi, mieux que tous les autres, le diocèse de Fréjus-Toulon est aujourd'hui le vrai laboratoire de ce qui pourrait se réaliser demain dans l'Église de France une fois les esprits apaisés et la Paix enfin instaurée.

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