Notre lettre 1150 publiée le 17 janvier 2025

UN RETOUR

SUR LA DÉMISSION DE MGR REY

ET UNE NOUVELLE INTERROGATION

SUR L'ÉTRANGE FONCTIONNEMENT

DE L'ÉGLISE DE FRANCE

UNE CHRONIQUE
DE PHILIPPE DE LABRIOLLE

Monseigneur Rey a rendue publique sa démission des fonctions d’évêque de Fréjus-Toulon, ce mardi 7 janvier 2025. S’agissait-il d’un jet d’éponge, face à une adversité croissante ? Aucun nouveau motif à charge ne lui avait été signifié, depuis la nomination, comme coadjuteur, de son ami Mgr Touvet, à l’automne 2023. Dans une courte vidéo, l’évêque démissionnaire prend acte de la fin de son mandat, dont il ne désavoue rien de ce qui dépendait de lui. Rome veut qu’il rende sa charge ? Son baluchon est prêt. Une nouvelle étape de sa vie commence.

Il lui restait trois ans à faire, étant de septembre 1952. De quel psychodrame la date du 7 janvier 2025 est-elle l’épilogue, qui, ne peut manquer de faire parler ? Malgré l’hostilité mesquine du Préfet des évêques, ni le Pape, ni le Nonce ne voulaient prendre le risque du martyre pour l’ostracisé.

Démission proposée par obéissance, et acceptée sans délai pour complaire au demandeur. Quelle courtoisie dans la méthode ; que de grâces réciproques, en apparence. Mais qui est sujet, et de quoi, dans cette affaire ? Le code du travail français fait de la démission une liberté du salarié. Un employeur peut licencier un salarié, s’il a des arguments pour le faire. La démission forcée, par intimidation ou toute autre pression d’objectif identique, sera déclarée nulle par le tribunal compétent si la preuve de ces pressions peut être fournie. Bref, une nouvelle fois, il s’avère que la justice des hommes est plus équitable que celle des hommes d’Église.

Qu’un prélat régulièrement installé incommode quelque autre prélat de même rang ou de rang plus élevé, tel est le quotidien de l’Église qui est en France, au point que la cohabitation pacifique des espèces dans l’Arche de Noé tînt, en comparaison, du miracle quotidien, fut-il transitoire. Mais, dans l’hexagone oû le droit positif s’applique, la voie de fait de la démission forcée vaut déni de justice. Monseigneur Rey n’a pas demandé à être délivré de sa charge, comme si quelque tunique de Nessus l’accablait. La pression venue d’ailleurs, et à laquelle il a décidé d’obtempérer, est évidemment hostile. Sa Grandeur, morale et physique, s’y soumet, au nom de l’obéissance, alors qu’aucun vœu monastique ne l’y astreint. Cette obéissance, cache misère d’une disgrâce abusive, ne trompe personne. Qui va en réparer le dommage ? Si dommage il y a.

L’évêque texan Mgr Strickland, sujet assumé de propos bien sentis à l’encontre des évêques de l’oncle Sam, avait été prié de démissionner. Il avait répondu, comme le général Patton, « nuts ! ». Il avait donc été déposé. Il n’avait pas à obéir à ses détracteurs, ni aux alliés de ces derniers, n’ayant pas parlé sans réfléchir. Assumant la responsabilité de ses faits et gestes, il ne jugeait pas pertinent de confondre lâcheté et vertu. Bref, un homme est passé à Tyler. Et le mensonge n’est pas passé par lui.

Monseigneur Rey devait expier le péché médiatique d’être passé, en un quart de siècle, de la mouvance charismatique, motif de sa promotion, à la tradition sans vergogne, qui aurait du exclure cette promotion. Mais la tradition de Mgr Rey n’est pas celle de Mgr Lefebvre, avec qui, pourtant, il a partagé le souci constant de former, de mieux en mieux, des prêtres tridentins de plus en plus saints. A rebours de ses homologues des diocèses français, choisis pour leur médiocrité, méthode éprouvée pour n’attirer quiconque malgré les vœux pieux, l’évêque démissionnaire de Fréjus-Toulon a ordonné cent soixante quatre prêtres en 25 ans. Oui, 164. CLXIV. (dixit Corentin Dugast sur « ligne droite » de Radio Courtoisie, 07/07/25). Mgr Touvet, à Chalons-en-Champagne, n’en avait ordonné qu’un seul en huit ans. Encore ce dernier venait-il...du diocèse de Fréjus-Toulon.

Mais comme chez tous les zélateurs de « Saint Jean Paul II », l’Église du troisième millénaire, et sa « Nouvelle Évangélisation », s’est délestée de l’Histoire, et des civilisations chrétiennes incarnées, dans l’espoir de ne pas devoir assumer le passif des combats légitimes, voire nécessaires. La conséquence pratique de ce désengagement politique, c’est la fiction d’une conquête sans coup férir ni subir. Les disciples du pape polonais récusent le prédicat de soldats du Christ. Ils sont incapables de se battre pour ce qui est précieux, vital. En préférant la paix à la vérité, ils ont lâché sur l’essentiel, à l’exception du prêtre tridentin, homme séparé pour la Gloire de Dieu, obstacle pour la fraternité universelle, et pour la synodalité qui promeut la parité de tous.

Il était temps d’agir, et dans le Var de Mgr Rey, juguler cette inflation cléricale nocive à la nouvelle gnose partagée par les Focolari et l’actuel successeur de Pierre. Mais quel procès canonique intenter à l’encontre d’un évêque qui fait figure de premier de la classe, sans dévoiler la subversion dont Rome a pris les commandes ? Élémentaire, mon cher Dominique, parlons d’amour, de communion, d’unité menacée, de parité introuvable ; cherchons à dissiper le trouble chez les dix septuagénaires qui parasitent encore les paroisses le samedi soir. La diplomatie, oui, entre gens du même monde ; l’instruction canonique, non. C’est pour la plèbe. Et encore.

Mgr Rey n’a pas démérité dans ses fonctions d’évêque. Des reproches fondés existent, mais se communiquent de bouche à oreille, et n’ont pas de consistance canonique. Bernanos, une fois encore, avait vu juste : « les ratés ne vous rateront pas ! ». Mais en démissionnant par « obéissance », fut-ce à une date choisie par lui, l’évêque démissionnaire prend le risque, en refusant le combat, de fragiliser son travail d’un quart de siècle. Lequel faisait verdir de jalousie les Ordinaires français, eux mêmes trop dévitalisés pour pouvoir se reproduire, à supposer qu’ils le veuillent. Mgr Rey, en se soumettant, se sacrifie. Il fait savoir qu’il refuse la condition d’un fautif, offrant sa joue droite à l’Église ayant souffleté sa joue gauche, en quelque sorte. Il se garde d’exiger un procès canonique, qui l’aurait blanchi, si tant est qu’il ait eu lieu. Il avait trois ans à tenir, en restant fidèle au poste. « L’attaquer, le mettre en quartier, Rome l’eût fait volontiers. Mais il fallait livrer bataille, et le mâtin était de taille à se défendre hardiment ». En combattant l’Autorité déviante, pour défendre son grand œuvre, Mgr Rey faisait l’évêque, mais mortifiait son charismatisme... Aurait-il été soutenu par son diocèse, et le clergé qui lui doit tout ? En ne combattant pas, il contribue de facto à masquer la déviance au sommet...


Deux hypothèses, contradictoires, sont à considérer pour expliquer l’abdication :

- En regardant le film « le pont de la rivière KwaÏ » (David Lean, 1957), ou en le revoyant durant la trêve des confiseurs, Mgr Rey s’est subitement identifié au colonel Nicholson, lequel, frappé à mort, réalise le contresens de son comportement antérieur. L’officier anglais s’effondre sur le détonateur américain et fait exploser le pont dont il était si fier. Quelque lucidité d’agonie, en somme, requérant un sabordage impensable. Pas impossible, mais improbable.

- Par cette démission surprise, Mgr Rey laisse Mgr Touvet seul sur le pont. Trahi par son ami, il s’efface. Pour le partant, c’est un pari. En fixant sa date de départ, il reprend la main. La transition étant écourtée, comment le challenger va-t-il s’en sortir sans véritable expérience. Dès lors que le coadjuteur prend les rênes plus tôt que prévu, saura-t-il tenir en selle en quittant le hongre pour l’étalon ? Quoi qu’il en soit, Mgr Rey n’aura pas à assister, d’une cathèdre empêchée, ni au dépeçage, ni à la déconfiture, ni au désastre. Mais, sous l’obscure clarté qui tombe des étoiles romaines en errance, ce n’est pas le combat qui cesse, faute de combattants, c’est la visibilité loyale de son implacable réalité. Celle de la subversion qui continue de fragiliser l’Église du Christ. Pour rendre témoignage à la Vérité, usque ad mortem, mortem autem crucis, Notre Seigneur avait accepté de boire le Calice jusqu’à la lie...


Gageons que l’ex-évêque en titre, en faisant prévaloir la paix sur la vérité, a choisi de se soustraire, pour mettre son ambitieux ami et successeur au défi de dévoiler là oû est son propre trésor, partant son propre cœur. Ce dernier était déjà évêque anonyme, puis contrôleur ; le voici évêque exposé. L’entropie de la CEF lui tend ses bras castrateurs. Va-t-il s’y lover, ou s’en protéger. Patience... Si le burn-out menace, pourquoi l’arroseur arrosé ne demanderait il pas un coadjuteur ?


Dr. Philippe de Labriolle

Psychiatre Honoraire des Hôpitaux

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