Paix liturgique

Monseigneur Marc Beaumont est l’évêque du Bourbonnais depuis le 29 mars 2021. Il était préalablement doyen dans le diocèse de Cambrai, et non pas vicaire général comme l’usage en est répandu, celui de promouvoir, sur un siège épiscopal, un homme de gouvernement plutôt qu’un pasteur. D’où la surprise exprimée par le nouvel Ordinaire, sacré et installé le 16 mai 2021 dans sa cathédrale de Moulins. Soit.

Il n’a pas été fait mystère, néanmoins, et ceci dès le jour J de son ordination épiscopale, de l’appartenance de Mgr Beaumont au mouvement des Focolari. La Communauté de l’Emmanuel ayant été honorée, depuis quelques décennies, de plusieurs désignations épiscopales, notamment en la personne de Mgr Dominique Rey, actuellement accablé par Rome pour son esprit un peu trop traditionnel dans son diocèse du Var, pourquoi ne pas prélever dans un vivier qui, malgré l’incommodant Cardinal Becciu qui en était, pouvait paraître mériter une nouvelle chance, de par la bienveillance d’un pape inespéré pour eux. Un petit rappel historique, tout d’abord.

Le mouvement des Focolari, né près de Trente (Italie) en 1943, est le fruit d’un projet catholique, tel que conçu par une jeune institutrice, Sylvia Lubich (1920 - 2008), à savoir de vivre dans la cité la charité mutuelle, à la suite du Christ. L’évêque du lieu, curieux de cette initiative dénuée de guidance cléricale et de tout vœu formel chez les affidés, pouvait à bon droit s’interroger sur l’appartenance à l’Église de ces affranchis d’allure pourtant inoffensive. Le doute profita aux atypiques, largement adossés à des citations évangéliques impossibles à contester, et adoubés en 1947.

Quel était l’objectif de Sylvia Lubich, rebaptisée Chiara de sa propre initiative, comme si quelque condition nouvelle, non définie, appelait un nouveau prénom de baptême ?

Cet objectif, rappelé par la présidente des Focolari, Maria Voce, une avocate italienne qui prît la suite de la fondatrice décédée en 2008, était de reconstruire la Cité nouvelle, rien de moins. Aimer chacun, au nom du Christ, devait changer le monde, et, pour reprendre une terminologie récente, bâtir des ponts, et faire tomber des murs.

Des murs qu’avait bâtis...la Chrétienté, sous la houlette de l’Église Catholique. Par le dialogue, et un retour à l’Évangile, sans oublier le souffle de l’Esprit-Saint, enfin libre de souffler oû il veut, c’est à dire sur chacun, plus besoin du clergé.

Etait-il nécessaire d’avoir mauvais fond pour déceler la protestantisation s’installant dans l’Église comme Mars en Carême, au nom de l’Évangile ? Il a fallu dix ans pour qu’un prêtre, Pasquale Foresi, fut adjoint à la direction du mouvement pour en recadrer l’enthousiasme diffluent. Encore était-il de santé fragile, et peu voyageur.

Maitre Voce est interviewé sur KTO TV le 4 juin 2017, par Philippine de Saint-Pierre. Ce jour là, le Pape François, à l’occasion du cinquantième anniversaire du Renouveau Charismatique, a voulu célébrer un jubilé d’or, et les Focolari en sont. Tous les charismes nouveaux, dont celui de l’unité que s’arrogent les disciples de Maria, sans oublier, bien évidemment, les valeurs qui animent les autres religions, celles que « Nostra Aetate », la déclaration conciliaire, nous intiment de respecter, sont requises. Toutes ces énergies nouvelles, que l’esprit tridentin concevait comme disparates, et nécessairement contradictoires entre elles, hissées au niveau des langues de feu pentécostales, allaient désormais bâtir la véritable église du Christ, celle que le Christ veut.

Et notre avocate, sans circonvolution, métaphore ou autre périphrase, lâche le morceau : cette église voulue par le Christ, ce n’est plus l’Église Catholique. L’interview de KTO TV est disponible sur YouTube, et pour les gens pressés, le coming-out est 10’40’’ (sur 26’) après la mise en route.

Si quelque esprit chagrin trouvait un peu léger d’exciper de cette seule vidéo, nous serions d’accord. Mais l’auteur de ces lignes, pour avoir pratiqué le mouvement des Focolari pendant 3 ans, dans sa jeunesse, y reconnaît la pédagogie progressive, qui limite le prêtre à la seule messe, dévalue le passé de l’Église, annonce le temps de l’Esprit fédérateur., et la dénonce comme injurieuse pour l’Église Catholique fondée parle Christ, et confiée à Pierre. Ce n’est plus l’innocent « United Colours of Benetton », c’est « Fratelli Tutti », grâce au désert cognitif, oû tout est dans tout et réciproquement, selon le mot de l’humoriste dépressif Pierre Dac.

Mgr Beaumont, évêque de Moulins depuis plus de trois ans, ne fait pas mystère de son focolarisme appuyé, et réaffirmé à l’envi selon ses ouailles. S’il était déjà surprenant qu’un doyen du diocèse de Cambrai ignore l’aveu de Maria Voce, il serait parfaitement aberrant que l’évêque de Moulins ne sache pas que, selon l’ex-présidente du mouvement oû il se ressource, l’Église Catholique n’est plus l’Église du Christ.

L’hypothèse la plus choquante serait que l’Ordinaire le sache, et se fasse discrètement le héraut de ce blasphème. En recrutant sur des aspects factices, mais attractifs, pour tromper à terme. Quant à la formation des prêtres pour son diocèse, va-t-il les sensibiliser à l’impasse qui les attend ?

Une clarification des convictions effectives de Mgr Marc Beaumont serait la bienvenue. Se présentant comme catholique à ses débuts, le mouvement des Focolari est devenu interconfessionnel, quoique présidé depuis 2021 par Margaret Karram, une arabe baptisée catholique née à Haïfa. Possédant un diplôme de judaïsme validé par l’université hébraïque de Los Angeles, celle-ci est militante du dialogue interconfessionnel, et reçoit le Mount Zion award en 2013, prix de Réconciliation générale...Bien malin qui dira le dieu qu’elle prie ! Est ce aussi le cas de Mgr Beaumont, et la raison effective de sa promotion ? L’évêque de Moulins doit la vérité à son diocèse.