Notre lettre 1120 publiée le 18 octobre 2024
MGR DOGNIN
GRAND INQUISITEUR DU FINISTÈRE ?
PAS DE PARDON
POUR LES FIDELES DE LA TRADITION...
MAIS UNE LEGITIME COMPASSION
POUR UNE ASSOCIATION DE MALFAITEURS ?
LA PAILLE
ET LA POUTRE ????
Ce dimanche 13 octobre, alors que des représentants de la communauté étaient aux Assises de la Tradition à Paris, Mgr Dognin est venu rendre visite à la communauté de saint Matthieu de Quimper. Plutôt que d'essayer de renouer le fil de la communion et tenter une réconciliation et voir, comme son chancelier l'abbé Queinnec qui célébrait – et qui pour une fois avait une élocution claire dans ses annonces – Mgr Dognin a préféré livrer dans son sermon, qu'on nous a transmis, un semi-remorque de verges pour se faire battre, traitant ouvertement ses ennemis de suppôts de Satan, mais sans nommer personne ouvertement. Pour cela il faudrait un minimum de courage – et quand le Bon Dieu en a fait pleuvoir, comme beaucoup de clercs, il a ouvert son parapluie.
Evacuant les nécessaires réponses au sujet « des événements de l'année pastorale passée », il botte en touche immédiatement « beaucoup de choses ont déjà été dites, de votre côté comme du mien, et maintenant je crois vraiment que nous avons besoin de nous recentrer sur le Christ ».
Mais à la place de méditer effectivement sur le texte du 21e dimanche après la Pentecôte – « la réalité du combat spirituel que nous avons tous à mener si nous voulons suivre Jésus et devenir ses fidèles disciples », Mgr Dognin se recentre... sur lui-même. Ça commençait pourtant bien, « Saint Augustin nous dit clairement que notre vie ne peut pas échapper à l'épreuve tentation, car notre progrès se réalise par notre épreuve ».
Mais Mgr Dognin n'échappe pas à la tentation : « dans ce combat spirituel il y a d'un côté le Satan, le Diviseur, et de l'autre côté notre Seigneur qui nous donne les moyens de rester fidèle […] Mais comment se manifeste cet ennemi ? […] le combat commence en nous-mêmes, en luttant contre les tentations qui vont utiliser nos faiblesses humaines […] Le démon, le diviseur, se transforme bien souvent en ange de lumière pour nous tromper. Les réseaux sociaux, même ceux qui se donnent une image recommandable, peuvent être de redoutables diviseurs y compris à l'intérieur de l'église ».
Ce qui ne l'empêche pas, deux minutes plus tard, de tresser des lauriers à ceux qui ont « autour des reins le ceinturon de la vérité, la vérité c'est le Christ lui-même et son message ». Avant de glisser à nouveau : « le ceinturon représente le serviteur, et plus profondément le don de soi » - obéissez, ou soyez le démon, et après la chasse aux sorcières dans le diocèse de Quimper, Mgr Dognin va allumer les bûchers tout en annonçant « la bonne nouvelle » à une population qui ne pratique plus à plus de 90% - on ne se demande même plus pourquoi.
Du reste, trois minutes plus tard, il s'enfonce de nouveau, d'abord dans l'orgueil de « l'augmentation considérable des catéchumènes en France et dans notre diocèse, 50 rien que dans la paroisse de Quimper, on n'en a jamais eu autant ». Pour la cathédrale de Quimper et 16 clochers autour, soit 100.000 habitants, il n'y a pas de quoi pavoiser... et ce n'est que peu de choses par rapport aux chiffres d'avant Concile, ou même des années 1970. Mais peut-être Mgr Dognin croit-il que l'Histoire du diocèse de saint Corentin, voire pourquoi pas de la Bretagne catholique, commence avec son arrivée sur le siège de Quimper ?
Et enfin Mgr Dognin verse dans l'incohérence à l'état chimiquement pur – à croire qu'il n'a pas relu son sermon ou celui qui lui a été écrit, voire relu par un autre qui confie à ses proches avoir l'habitude de relire et corriger la prose des évêques du coin : « soyons douceur et respect. La fin ne justifie pas les moyens […] Lorsque on se nourrit de la prière, on est capable de discerner ce qui vient du mauvais et ce qui vient de Dieu […] On est tous pécheurs, car nous nous laissons prendre parfois dans les pièges du démon et nous ne résistons pas à la tentation, c'est pourquoi saint Paul nous rappelle dans l'évangile du jour l'importance de savoir pardonner et de demander pardon, et si Jésus insiste tant sur le pardon, c'est qu'il s'agit d'une démarche difficile et nécessaire ». Voilà sans doute les excuses de Mgr Dognin – les fidèles finistériens de la Tradition n'en auront pas d'autres.
Mgr Dognin et les leçons de morale : la paille et la poutre
Trois ans presque jour pour jour après que la CIASE ait rendu son rapport sur les abus de l'Eglise, est-ce que Mgr Dognin a seulement lu ses recommandations ? Et notamment le point numéro 3, qui demande à « identifier toutes les formes d'abus de pouvoir […] ou de survalorisation du prêtre par rapport aux baptisés », et notamment « passer au crible les modes d'exercice du ministère sacerdotal et épiscopal, et le discours qui les soutient, pouvant prêter à dévoiement ».
Seulement, dans le diocèse de Quimper on n'a pas attendu cette année pour mettre la CIASE au placard et s'asseoir sur ses enseignements, ou faire – comme auparavant – la morale aux fidèles sans en avoir les capacités morales.
Ainsi, six semaines après la parution du rapport, fin novembre 2021, un ancien élève du Likes – le lycée lassalien de Quimper, navire amiral de l'enseignement catholique dans le sud du département, pépinière presque obligée des notables locaux – témoigne dans les colonnes d'Ouest-France (26.11.2021) sur les abus physiques et sexuels qu'il a subi à l'internat, de la part d'un frère enseignant, protégé par sa congrégation jusqu'au bout, et qui s'est éteint tranquillement en 2020 à la maison de retraite de Kerozer, un écart de Saint-Avé au nord de Vannes – il est d'ailleurs enterré avec les autres frères au cimetière du bourg.
Dans les jours suivants, les témoignages se multiplient – en tout, indique Ouest-France mi-décembre, « 13 personnes » ont adressé leur témoignage au journal, dont plusieurs ont été publiés le 30 novembre, dont un ancien interne, lui aussi victime : « j'ai aussi été abusé sexuellement par ce même frère, au pensionnat du Likès. Alors je sors du silence aujourd'hui pour faire savoir que nous sommes des dizaines et des dizaines à être concernés ».
Néanmoins, après que le frère Jean-René Gentric, provincial adjoint des lassalliens en 2010-18, puis provincial (visiteur) depuis 2018, renommé en 2022 pour un second mandat de quatre ans, promet dans les colonnes d'Ouest-France une « cellule d'écoute » pour les victimes, des « indemnisations » et « un recours » en cas de désaccord financier, tout s'arrête. Silence radio, y compris dans la presse locale, et du diocèse qui n'a jamais réagi officiellement – plusieurs de ses prêtres actuels sont pourtant passés par le Likès.
Le provincial lassallien, issu du Lykès, enfermé dans l'omerta et le déni
A peine les premiers témoignages parus que le provincial des lassalliens – pourtant élève dans ce même lycée dans les années 1960, au moment de la commission de certains faits, puis enseignant dans les années 1970 et directeur dans les années 2003-2010, affirme dans la presse locale « n'avoir jamais été interpellé au sujet de ce frère, peut-être il y a-t-il eu des plaintes, je ne le sais pas ».
Ce que d'anciens élèves, choqués par « l'hypocrisie et le mensonge dans ces propos, indignes d'un religieux, et encore plus du chef d'une congrégation en France », démentent, documents d'époque à l'appui. « Le frère L.R dont il était question a été présent au Lykès de 1964 à 1980, il enseignait les travaux manuels, d'abord en 5e, puis après 1974 en classe de 4e et 3e, tout en étant surveillant d'internat ; sa violence physique et son alcoolisme étaient connus de tous, internes comme externes – seuls les internes avaient à subir ses abus en revanche, puisque ça se passait au dortoir."
Jean-René Gentric apparaît lui aussi sur les palmarès scolarisé au Lykès de la 6e à la terminale, de 1962 à 1969. En 1971-72 il apparaît dans un groupe de professeurs de cycle long sous le nom de M. Gentric, il n'a pas encore du prononcer ses vœux. En 1976-77, 1977-78 et 1978-79 il est professeur de français en classes de 4e, dans ces trois classes le frère L.R y enseigne les travaux manuels – ils sont donc proches collègues. Il est aussi cité comme « frère Gentric », ce qui signifie qu'il a prononcé ses vœux. En 1979-80 le frère Gentric est professeur de français en seconde, en 1984-85 il est responsable de division des secondes. Il a côtoyé le frère L.R de longues années, et au moins pour les faits de violence physique sur les élèves et son alcoolisme – qui avaient dû interpeller sa hiérarchie et au moins conduire à sa mise à l'écart – " il ne peut pas dire qu'il n'était pas au courant », nous explique une victime dans les Monts d'Arrée, terre de courage où le souvenir de l'enfer – celles qui ont dévoré la lande à l'été 2022 – est encore vivace, comme la bravoure des pompiers qui, pied à pied sur la terre et sous le ciel brûlants, ont fait reculer les flammes et sauvé la chapelle du Mont-Saint-Michel de Brasparts et les villages voisins.
Combien d'autres affaires étouffées par les lassalliens ?
D'autant qu'il n'y a pas qu'au Lykès de Quimper que des religieux lassalliens, alcooliques et violents, ont commis des abus sur des élèves. A la frontière des diocèses de Namur, Liège et Cambrai, les ruines du collège de la Salle d'Estaimpuis – à l'abandon depuis plus de dix ans (l'Avenir, 26.4.2023) trainent leur lot de souvenirs sombres – qui ont fait l'objet d'un reportage de la RTBF en 2009 – et du clip College Boy d'Indochine en 2013.
Les jumeaux Sirkis – ceux d'Indochine, y ont effectivement passé, comme le reconnaissait encore Nicola Sirkis sur le plateau d'En Aparte en octobre 2024, « les années les plus terribles de notre vie ». Les trois frères y été scolarisés – Christophe Sirkis a publié en 2009 Starmustang, sur la jeunesse des frères, et notamment les abus au collège d'Estaimpuis, qui y sont relatés. Là encore, silence radio des lassalliens – quant aux auteurs d'abus, ils se sont tranquillement éteints dans les maisons de retraite de la congrégation.
« Porter le ceinturon de la vérité » ou protéger la tribu bigoudène : l'abbé Queinnec (et Mgr Dognin) ont choisi ?
Ce provincial lassallien – le frère Jean-René Gentric, le chanoine Queinnec, chancelier du diocèse depuis 2008, official de Bretagne depuis 2017 et en charge (en théorie) de lutter contre les abus, tâche qu'il semble avoir délaissée pour tenter maladroitement de célébrer la messe traditionnelle, le connaît - il le croisait notamment au pardon de sainte Anne de Landudec, d'où est originaire le frère Jean-René Gentric – une localité à l'ouest de Quimper – frère qui est donc un énième représentant de la tribu bigoudène.
Celle qui tient le diocèse de Quimper, impose ses quatre volontés à son évêque, rêve d'imposer un jour le sien, issu de ses rangs, biberonné à l'omerta et au sentiment de supériorité de dynasties de prêtres, d'oncle en neveu, et qu'il faut protéger à tout prix – y compris celui de la vérité, de la dignité des ex-élèves du Lykes et de l'application des leçons de la CIASE dans le diocèse de Quimper.
Official de Bretagne depuis 2017, Hervé Queinnec est en charge, en théorie, de la lutte contre les abus dans les cinq diocèses de la Bretagne historique, la Vendée (Luçon), l'Anjou (Angers) et le Maine (Laval, le Mans) qui constituent la province ecclésiastique. Mais aussi de porter, comme disait en 2021 un évêque dans son homélie à ses confrères rassemblés à Lourdes pour l'assemblée générale suite au rapport de la CIASE, le « fardeau de la vérité » concernant les abus du passé, pour que la justice – et la reconnaissance – passent enfin pour des dizaines de victimes encore vivantes. Force est de constater que c'est loin d'être le cas, et que sur les abus anciens, la province ecclésiastique de Rennes reste le royaume de l'omerta.
Silence sur les lassalliens, les mennaisiens et les frères de Saint-Gabriel – dont les affaires d'Issé et de Loctudy, aux dizaines de victimes, aux confins est et ouest de la Bretagne, ont montré une petite partie des importants problèmes du passé, silence sur les errements des établissements de l'enseignement diocésain de Nantes, silence pour les eudistes de Rennes – dont un des anciens élève, victime, avait été reçu par le pape François en 2021, silence sur les errements de certaines congrégations – les exorcismes sauvages ne sont pas un monopole de Pontcallec, silence sur les errements des laïcs en mission d'Eglise ou dans les établissements scolaires, silence sur les suicides, silence sur les vies brisées.
L'abbé Queinnec, si prompt à fouler aux pieds les fidèles traditionnels du diocèse de Quimper, si décidé à refuser – mordicus – de faire l'action de grâce à la fin de la messe, marche sur la messe traditionnelle et persécute ses fidèles, car pour le reste, il a choisi le silence, au nom de notions dévoyées de l'obéissance et du don de soi qu'il fait désormais endosser à son évêque.
Sur le portail du transept nord de la cathédrale de Reims – celui du jugement dernier, un diable regarde une file de nobles et un évêque, avec mitre et crosse, qu'il va faire rôtir dans une marmite bouillante. Il semble bien que Mgr Dognin a eu le tort de faire confiance à la tribu bigoudène, de suivre l'abbé Queinnec dans une « obéissance » qui n'est que de la servilité, une «communion » qui ressemble à une association de malfaiteurs. Rôtira-t-il donc comme l'évêque représenté sur le portail nord de Reims pour l'éternité, et en silence... au nom des vies brisées et du mal commis en son nom ?