Notre lettre 946 publiée le 13 juillet 2023

PONTCALLEC
EN ATTENDANT LA FIN...


Cette fois c'est certain – la messe nouvelle – dignement célébrée ! – fera dès septembre son entrée, discrètement mais sûrement, dans toutes les maisons de l’Institut des Dominicaines du Saint-Esprit, à savoir à Pontcallec la maison mère (diocèse de Vannes), l'école du Fort à Nantes, de La Baffe dans le diocèse d'Epinal et de Saint-Cloud dans le diocèse de Nanterre. En effet, il a été demandé de recourir à l’avenir à des prêtres qui, le cas échéant, sont disposés à célébrer dans le novus ordo, avec deux conséquences : d’une part la mise à l’écart progressive de prêtres appartenant à la Fraternité Saint Pierre, à l’Institut du Christ Roi, etc., au profit exclusif de prêtres diocésains, comme c’est déjà le cas à Saint-Cloud, où la paroisse a pris en charge l'aumônerie de l'école ; et d’autre part l’introduction, qui se veut exceptionnelle au départ mais qui a vocation à se généraliser, de la messe en la forme ordinaire dans les différentes maisons de l’Institut.

Au sein de l’institut, déjà mal en point et qui ne connaît presque plus d'entrées, c’est l’hémorragie. Ainsi à la vingtaine de sœurs, novices ou professes, qui ont quitté l’Institut ou sont en régime d’exclaustration depuis une dizaine d’années sur une communauté qui en compte à peine 100, se sont ajoutées très récemment quatre autres exclaustrées. Autrement dit, près d'un cinquième des religieuses en sont sorties et d’autres sont sur le point de le faire. Pour d’autres raisons, parmi les dernières arrivées, une sœur a demandé à rompre ses vœux temporaires.


« Le vœu d'obéissance est complètement détourné »

Dans un institut où la messe traditionnelle était une part importante de la spécificité, les soubresauts des dernières années – dont l'affaire de la Mère Marie Ferréol, renvoyée de l’état religieux par Rome, sans plus d'explications – se répercutent sur les religieuses. La cocotte-minute bout sans que la vapeur puisse s’échapper.


« Le vœu d'obéissance est complètement détourné », confie un proche d'une religieuse. « Sous prétexte d'obéir, elles acceptent le glissement liturgique et ne savent plus où elles sont ».

On a parlé d’abus spirituels et d'emprise au sein des Bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre. A Pontcallec, cela semble la même chose. Une vingtaine de sœurs sur le départ, absentes ou exclaustrées, des élèves impactés, des religieuses au sein même de l’institut maintenues, parce que trop traditionnelles, avec le moins de contact possible avec les élèves ou les anciennes. Et l'illusion de l'accord unanime des sœurs bâillonnées.

Pour justifier le renvoi de la Mère Marie Ferréol, dom Jean-Charles Nault, abbé de Saint-Wandrille, visiteur apostolique, parlait d'un « dissimulation et de mensonge à l'origine d'un climat de suspicion et de peur », mais ce reproche peut tout à fait être retourné vers l'actuelle direction de la congrégation et ses soutiens romains.

Les conditions d'exclaustration sont d’ailleurs contraires à toute justice : les religieuses ne doivent pas être plus d'une par diocèse, une seule dans toute l'Ile-de-France, pas de sœurs exclaustrées dans des diocèses où se trouvent des maisons de l’Institut. Des conditions qui sont hors du droit, tant civil que canonique. Et qui permettent de constater l'hubris de l'actuelle direction. Mais aussi l'inquiétude à peine voilée que des sœurs puissent reconstituer des écoles, ou reconstruire des congrégations féminines.


Le rêve de fabriquer une « troisième voie », une communauté Saint Martin au féminin

Les remous sont désormais visibles sur les effectifs, tant d’élèves que de religieuses. A Saint-Cloud, il n'y a plus de liste d'attente, et même il commence à y avoir du vide. Certes le Covid est aussi passé par-là, ainsi que l'évolution de la sociologie : il y a plus d'écoles et nombre de familles ont déménagé de la petite à la grande couronne, tandis que d'autres ne peuvent plus, à cause de l'inflation, assumer le coût de la scolarité.

A La Baffe, près d'Épinal, à la rentrée, quatre religieuses sont sur le départ contre deux arrivées, une autre se retirant complètement. Il se murmure de plus en plus fort que les deux écoles dont l'aumônerie est traditionnelle et ne peut être remplacée sans fronde des parents – La Baffe et l'école du Fort à Nantes – pourraient être fermées ou plutôt, comme Draguignan, reprises sous l'autorité des parents.

L’institut des Dominicaines du Saint-Esprit semble touché à mort. Rome ne s’en soucie pas, on a envie de dire : au contraire. L’institut diminuerait donc de moitié ses implantations – et se replierait sur Pontcallec et Saint-Cloud. Avec un avenir en pointillés, puisqu'il n'y a plus vraiment de vocations. La congrégation achèverait sa mue en une autre.

Le Père Henry Donneaud, dominicain et théologien toulousain, ex-commissaire pontifical des Béatitudes (2010-15) souhaite clairement « normaliser » les sœurs de Pontcallec en leur imposant progressivement la nouvelle messe et en écartant toutes les religieuses vraiment traditionnelles, pour en faire une « Communauté saint Martin au féminin ». Encore faudrait-il des vocations... La Communauté Saint-Martin qui, pour l’instant, fonctionne, est une « troisième voie » voulue comme telle par son fondateur, Mgr Guérin, dès l’origine. Les communautés qui de traditionnelles qu’elles étaient se dévaluent en « troisième voie » (les Petits Frères de Marie à La Cotellerie, par exemple) ont moins de succès.

Par ailleurs, le monopole de fait qu’exerçait Pontcallec dans l’enseignement hors contrat pour jeunes filles dans le monde traditionnel « officiel », s’est effrité. Qui plus est la « concurrence » des Dominicaines d’obédience tout à fait traditionnelle, manifeste une santé insolente. Un connaisseur de ce monde en Bretagne remarque : « Il y a de très nombreuses structures, tout le monde s'y est mis, et il y a beaucoup d'indépendants. Du côté des dominicaines enseignantes, les sœurs de Fanjeaux et de Brignoles ont beaucoup plus d'importance, une dynamique et un flux de vocations. Même en Bretagne, Pontcallec est désormais une école parmi tant d'autres, Kernabat [près de Guingamp] ou le cours du Rafflay [près de Nantes] sont désormais les forges de cadres pour les Mères et les filles de la Tradition – dont les effectifs numériques grandissent en Bretagne, plus qu'ailleurs ».


Pontcallec, un « succès » de plus du pontificat bergoglien : du sel sur la lande



Les sœurs ont été contraintes, pour que leur exclaustration soit accordée, de se plier à des conditions exorbitantes, aussi dictatoriales que discrétionnaires, comme indiqué plus haut. Sous peine d’un renvoi pur et simple de l'état religieux ! Même si l'on ignore, une fois parti le cardinal Ouellet – qui s’est auto-institué tuteur à vie de l’institut –, ce qui finira bien par arriver, si l'actuelle supérieure et la toute puissante Mère d’Arvieu, par laquelle le renard Ouellet est entré dans le poulailler si l’on ose dire, bénéficieront du même pouvoir.

Les interventions romaines ont brillé par leur arbitraire, au sommet desquelles le renvoi de l’état religieux, par décret du 22 avril 2021, de Mère Marie Ferréol sur le rapport préliminaire du visiteur apostolique Dom Jean Charles Nault.

Le pape François a suivi l’affaire de Pontcallec avec une rare attention, affaire qui reste, à l'échelle du monde catholique, un grain de sable – à peine 100 sœurs, cinq écoles au plus dans un seul pays. « Le Pape, disait le cardinal Ouellet dans La Croix en juin 2021, a suivi personnellement le dossier dans toutes ses étapes. »

Mais Dieu ne permet le mal que parce qu’il peut en sortir un plus grand bien. Celui-ci serait pourrait être la renaissance, sous une forme modeste mais indépendante, d’une œuvre vraiment catholique d’éducation des jeunes filles par des femmes consacrées. Un nouveau Pontcallec, hors les murs.

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