Notre lettre 945 publiée le 29 juin 2023

VISITE APOSTOLIQUE PUNITIVE
POUR MGR JOSEPH STRICKLAND
UN EVEQUE QUI DERANGE


Comme Mgr Rey, évêque de Fréjus-Toulon en France, comme Mgr Oliveri, évêque d’Albenga en Italie, comme Mgr Martínez Perea, évêque de San Luis en Argentine, Mgr Strickland, évêque de Tyler aux États-Unis est dans la ligne de mire romaine, coupable de ne pas être dans la ligne. Et la synodalité ? Pas de synodalité pour les ennemis de la synodalité !


Qui est Mgr Strickland ?

Grand et maigre comme un cow-boy sorti tout droit de Lucky Luke, mais aux yeux perçants d’un prophète vétérotestamentaire – que trahit cependant un sourire doux, évangélique – ce prélat texan, le quatrième évêque du diocèse de Tyler dans l’Est du Texas depuis 2012 (c’est Jean-Paul II qui érigea le diocèse en 1986 ; il compte 120.000 catholiques sur un million et demi d’habitants), n’est pas un inconnu dans l’univers de la controverse catholique.

En effet l’évêque de Tyler est très présent dans les réseaux sociaux et sur Internet : son compte Twitter est des plus actifs, tant pour la promotion des sacrements et de la vie dévotionnelle que pour fustiger, avec ce franc-parler qui plaît tant aux Américains, les dérives dans l’Église et hors d’elle. Ainsi, quand il fut rendu public que le Synode sur la Synodalité devait discuter des diaconesses et du célibat ecclésiastique, Mgr Strickland gronda : « C’est une farce grotesque que ces sujets soient même proposés pour débat. Je prie que tous ceux qui connaissent vraiment Jésus-Christ ne se laissent pas tromper par cette direction… ».

Lors de la pandémie, il conseille aux catholiques de son diocèse de ne pas accepter le vaccin au motif que celui-ci est le résultat d’expériences sur tissus fœtaux ; là encore, il s’exprime sur Twitter à plusieurs reprises.

Juin : c’est ici le mois de la « Pride », l’orgueil des déviances. Wokisme oblige, la direction des L.A. Dodgers, équipe de base-ball renommée de Los Angeles, a décidé d’inviter à son stade – pour l’honorer – un groupe de travestis, les « Sœurs de l’Indulgence Perpétuelle », qui se déguisent en bonne sœurs sauce La Cage aux folles et s’adonnent à des actes blasphématoires et impudiques en public. Outré, Mgr Strickland n’hésite pas : il prend l’avion pour la Californie et y rejoint les catholiques qui protestent dans la rue. Il va sans dire que la présence d’un évêque venu du fin fond du Texas – la seule présence épiscopale à la manif’ – provoqua l’embarras de l’ordinaire du lieu, Mgr José Gómez qui, lui, avait préféré célébrer une messe spéciale la veille de l’événement (https://www.catholicnewsagency.com/news/254596/la-archbishop-at-mass-before-dodgers-game-when-god-is-insulted-it-diminishes-all-of-us).

Le comble, peut-être, fut ce tweet du 12 mai: « Je crois que le pape François est bien le pape, mais il est temps que je dise que je rejette son programme de sape du Dépôt de la Foi. Il faut suivre Jésus ».

Bref, Mgr Strickland ne fait rien pour s’attirer les sourires de Rome. Cela faisait bien une année que l’on y regrettait ses « imprudences », d’après Church Militant, d’ordinaire bien renseigné (https://www.churchmilitant.com/news/article/breaking-bp-strickland-gets-visit-from-rome).


Qu’est-ce qu’une visite Apostolique ?

La visite apostolique est un examen officiel de la direction et de la gouvernance d’un diocèse ; elle est normalement organisée à la demande d’une Congrégation romaine. Ici, c’est le tout nouveau préfet du Dicastère pour les Évêques (depuis avril de cette année), Mgr Robert Prévost, un Augustinien originaire du Pérou, qui la diligente.

Deux hommes ont été choisis pour mener à bien cette visite : Mgr Gerald Kicanas, évêque émérite de Tucson en Arizona, anciennement recteur de séminaire à Chicago (où il avait sciemment fait ordonner un homosexuel qui, par la suite, fut défroqué et incarcéré pour atteintes sur mineurs) et vice-président de la conférence épiscopale des États-Unis, et Mgr Dennis Sullivan, évêque de Camden dans le New-Jersey. Le duo passa la semaine du 19 juin à Tyler ; on ignore les résultats de ce qu’il faut bien appeler une enquête. On suppose que la conclusion est déjà prête, comme d’habitude dans ces sortes de visites.

Mais… quel était donc le motif officiel de cette visite ? The Pillar rapporte que d’après un prêtre du diocèse, les questions posées lors de la visite portaient plutôt sur le leadership administratif de M. Strickland dans le diocèse, et non sur ses interventions publiques (https://www.pillarcatholic.com/p/apostolic-visitation-completed-in). « Il ne s’agissait même pas en premier lieu de ses "diatribes" sur le pape François », a déclaré le même prêtre. « Les questions portaient en fait sur des années de problèmes de gouvernance, qui nous ont préoccupés, nous les prêtres. Deux responsables financiers ont été démis de leurs fonctions avant l’expiration de leur mandat de cinq ans, ce qui n’est pas du tout habituel ».

Les accusations de « mauvaise gouvernance » ou de « problèmes financiers » sont des grands classiques. Mais personne n’est dupe, même chez les partisans de la ligne vaticane actuelle : il s’agirait d’une enquête punitive. Comme le proclame haut et fort « Joseph », dont le substack, la plateforme en ligne, se proclame « contre l’"indiétrisme", pour la radicalité, la rupture, et la révolte », dans un commentaire sur le reportage de cette affaire chez The Pillar, « D’après moi il est grand temps de répondre à ses tweets imbéciles, y compris son rejet du "programme" de François (qui n’est autre que l’Évangile), ainsi que, plus généralement, son alignement sur l’extrémisme réactionnaire aux États-Unis ».

Et puis, le motif financier paraît bien mince : le même prêtre diocésain anonyme rapporte que Mgr Strickland « a des vocations, le diocèse se porte bien sur le plan financier et, si l’on en croit tous les chiffres, tout va bien pour lui ».



Jadis, on ne jugeait et on ne condamnait un évêque, Successeur des Apôtres, que s’il avait cessé d’être catholique. Aujourd’hui, on le fait passer à la trappe s’il n’est pas dans la ligne de ce qu’il faut bien appeler le parti. Comme nous le disions en commençant, on ne peut pas ne pas faire le rapprochement entre l’affaire Mgr Strickland et le cas Mgr Rey à Fréjus-Toulon, une sorte de cow-boy à la française. Comme l’évêque de Fréjus-Toulon, l’évêque de Tyler reste serein.

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