Notre lettre 934 publiée le 9 mai 2023
UN SERMON DE MGR VITUS HUONDER
"IL EST MAL D'INSULTER LES CLERCS
EN UTILISANT LE TERME DE CLÉRICALISME"
"IL EST MAL D'INSULTER LES CLERCS
EN UTILISANT LE TERME DE CLÉRICALISME"
Mgr Vitus Huonder n’est pas une évêque de second plan. Aujourd’hui évêque émérite, il a été à la tête du grand diocèse suisse de Coire, qui comprend dans son territoire le canton de la capitale confédérale, celui de Fribourg. Grand ami de la Fraternité Saint-Pierre, pour laquelle il a procédé à un certain nombre d’ordinations il est aussi grand ami de la Fraternité Saint-Pie-X. Il s’est retiré, après avoir pris sa retraite en 2019 dans une maison d’éducation (à Wangs, en Suisse alémanique) de cette Fraternité, probablement avec l’aval du pape dont il est très proche.
Avant de quitter son diocèse, dont le chapitre a conservé le privilège de désigner l’évêque sur une liste de trois noms, une terna, établie par le Saint-Siège, il avait procédé à des nominations de chanoines renforçant la majorité très classique qui, de longue date, a été celle du chapitre de Coire (lequel avait ainsi nommé des évêques tels que Mgr Vonderarch, Mgr Haas). Peine perdue : Rome, au mépris de ce processus pourtant très « synodal », et au terme d’un bras de fer au cours duquel le chapitre avait refusé tous les noms présentés par cardinal Ouellet, a imposé le très progressiste Joseph Bonnemain.
À Wangs, Mgr Huonder est d’abord resté très discret, ce voulu par la FSSPX, refusant toute invitation à célébrer qui lui était faite. Mais des signes de « dégel » ont été donnés à l’initiative du district d’Allemagne de la FSSPX (voir, Riposte catholique, L’entrée en scène de Mgr Vitus Huonder : un pas vers la dédiabolisation de la FSSPX ? - Riposte-catholique). À la Pentecôte 2021, Mgr Huonder a célébré une messe pontificale au séminaire de Zaitzkofen, puis une autre à Pâques 2023. En outre, le jeudi saint 2023, toujours à Zaitzkofen, Mgr Huonder avait procédé à la consécration des Saintes Huiles, comme le font les évêques de la FSSPX.
Dans la foulée, Piusfilm/Certamen, le producteur vidéo de la FSSPX d'Allemagne, vient de publier « La grande blessure, Ière partie » (Mon chemin vers la FSPX – avec Mgr Vitus Huonder (La Grande Blessure | partie 1) - YouTube), vidéo dans laquelle, très paisiblement l’évêque émérite de Coire s’exprime sur la nouvelle liturgie (« rien n'a autant conduit à la dissolution de l'unité de l'Église que le nouvel Ordo liturgique »), sur les effets bénéfiques de Summorum Pontificum, sur la blessure provoquée par Traditionis custodes, sur le rôle bénéfique de Mgr Lefebvre après le Concile. Prises de position qui lui valent de très dures critiques en Suisse : Vitus Huonder critique le pape François – kath.ch.
En un mot, l’ancien évêque de Coire entre ainsi avec beaucoup de liberté dans le débat public.
Sermon de Mgr Vitus Huonder
Nous publions ici un sermon qu’il avait prononcé le 8 décembre 2018, dans sa cathédrale de Coire, à l’occasion de l’ordination d’un prêtre de son diocèse.
Loué soit Jésus-Christ !
Mes chers amis,
L’Ordre sacerdotal est une réalité sacramentelle, autrement dit une réalité sacrée et divine. C’est un don de Notre-Seigneur pour le salut qui exige donc respect et déférence de la part des consacrés eux-mêmes et aussi de chaque croyant : des consacrés eux-mêmes, qui ont à mener une vie sainte et en restant fidèles aux promesses faites au Seigneur par l’intermédiaire de l’évêque, sans jamais trahir la parole donnée ; et des fidèles, qui doivent s’efforcer de promouvoir des vocations sacerdotales et de recevoir les consacrés comme s’ils recevraient le Seigneur lui-même, selon ses paroles : « Qui vous reçoit, me reçoit » (Mt 10, 40).
L’Ordre sacerdotal est un sacrement. C’est pourquoi il est indispensable à l’Église. Il doit être clairement distingué du sacerdoce commun des baptisés, car le sacerdoce ministériel, conféré par l’Ordre, et le sacerdoce commun diffèrent essentiellement (cf. Lumen Gentium 10). Il y a par conséquent une différence substantielle entre une missio, un mandat de l’évêque (donné par exemple à des théologiens laïcs), et une ordinatio, une ordination sacerdotale. Si le sacrement de l’Ordre disparaissait, il manquerait à l’Église un élément fondamental et d’une importance vitale. L’Église cesserait d’être ce pourquoi que le Seigneur l’a instituée : le lieu, la communauté de la plénitude des dons de grâce.
Le sacrement de l’Ordre est divisé en trois degrés : le diaconat, le presbytérat et l’épiscopat. Chaque degré de l’Ordre sacré est doté d’un pouvoir spirituel particulier. Rappeler ce pouvoir spirituel n’est pas faire preuve cléricalisme, mais annoncer la vérité, défendre la foi et protéger un don que le Seigneur lui-même a fait et continue de faire à l’Église.
Le Seigneur a confié le sacrement de l’Ordre à son Église lorsqu’il a transmis sa mission aux apôtres, aux onze, en leur disant : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit » (Matthieu 28, 18-19). Le Seigneur a confié le sacrement de l’Ordre à son Église lorsque, au Cénacle, il a confié aux apôtres la tâche de reproduire le sacrifice de la Croix : « Faites ceci en mémoire de moi » (Lc 22, 19). Il a donné le sacrement de l’Ordre à son Église lorsqu’il a donné à ses disciples le pouvoir de pardonner les péchés : « À ceux à qui vous pardonnerez leurs péchés, ils leur seront pardonnés ; à ceux à qui vous les retiendrez, ils seront retenus » (Jn 20,23). Ce sont toutes les actions accomplies par Notre Seigneur qui constituent le sacrement de l’Ordre, avant tout les paroles du Cénacle.
Se souvenir aujourd’hui de ces actions du Seigneur et du pouvoir qui leur est associé est tout sauf faire preuve de cléricalisme : c’est accomplir un devoir vis-à-vis d’une société anticléricale, ou plutôt une société qui veut éliminer les clercs. Dans ce contexte, insulter les clercs en utilisant le terme de cléricalisme est abusif, est faux. Nous devons au contraire encourager quiconque suit l’appel du Seigneur et accepte de faire partie de ses disciples, devenant ainsi clerc : diacre, prêtre, voire évêque.
Nous en venons ainsi à l’expression décisive que nous voulons mettre en évidence dans le cadre de cette ordination sacerdotale, au terme de clerc. Notre cher diacre est déjà un clerc et il passe au degré suivant de la cléricature, à celui de la prêtrise. Le mot clerc est dérivé du mot grec ??????, qui signifie lot, participation, part d’héritage. Le clerc est un homme qui prend part à l’héritage du Seigneur, qui se donne totalement au Seigneur, qui va avec le Seigneur, qui va avec lui jusqu’à la croix, en se souvenant de ses paroles : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive » (Mt 16, 24). « Si quelqu’un [...] ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et jusqu’à lui-même, il ne peut être mon disciple » (Lc 14, 26). L’expression « haïr » vise la préférence : « Si quelqu’un ... ne me préfère pas à son père, à sa mère ... » C’est la condition pour mériter le nom de clerc. Par parenthèse : ceux qui critiquent la loi du célibat devraient se souvenir de ce que le Seigneur lui-même exige de ses disciples.
Le clerc est un homme, comme l’a dit Jésus en d’autres circonstances, qui boit le même calice que le Seigneur (cf. Mt 20, 22). Dans ce contexte, le calice est un symbole de ??????, de part d’héritage. Voilà ce que signifie être clerc, être prêtre : boire le calice même du Seigneur ! Partager la même part qu’a reçue le Seigneur.
Celui qui a reçu le sacerdoce, le presbytérat, est consacré spécifiquement en vue de la tâche sacerdotale, qui consiste à offrir la reproduction du sacrifice de la croix et à exercer le ministère de la rémission des péchés. C’est cela qui est le cœur du sacerdoce, la première tâche et le premier devoir du prêtre, qui le constitue.
Pour accomplir ce ministère, le Seigneur a institué le sacrement de l’Ordre. Cela signifie que le Seigneur a doté ce ministère d’un don de grâce particulier et d’un signe particulier, le caractère sacramentel et spirituel du ministère conféré. L’évêque va ainsi transmettre à notre diacre cette grâce et lui imprimer ce caractère sacramentel et spirituel. Je lui adresse donc un appel sincère à ne pas perdre cette grâce et à ne jamais renier ce signe sacramentel, par lequel il portera sur son front le nom de Jésus (cf. Ap 22, 4). - Je prierai de tout cœur pour cela, avec tous les fidèles ici présents. Ainsi soit-il.