Notre lettre 931 publiée le 18 avril 2023
LE DIOCÈSE DE VERSAILLES
L'IRRÉSISTIBLE DEMANDE TRADITIONNELLE
A SAINT-GERMAIN-EN-LAYE SERA-T-ELLE RESPECTÉE
OU TRAITEE COMME A RAMBOUILLET ?
Paix Liturgique : Cher Germain, vous avez désiré revenir sur le sondage effectué à propos des souhaits liturgiques des catholiques de Saint-Germain-en-Laye...
Germain de Paris : Tout à fait, car je sais que Paix liturgique a fait réaliser plusieurs sondages d’opinion tant au niveau international qu’au niveau de nombreux diocèses de France depuis maintenant plus de 20 ans et je me suis toujours étonné qu’aucune des instances de l’Église ne s’y soit intéressée ni d’ailleurs aucun des soi-disant chercheurs et sociologues qui pondent chaque année « des études pertinentes » sur le catholicisme contemporain. Et aussi, en restant au niveau de notre diocèse, ni nos évêques ni nos vicaires généraux ni même un curé de paroisse.
Paix Liturgique : Comment l’expliquez-vous ?
Germain de Paris : Malheureusement très simplement… Comme les sondages donnent une image d’un réel qui ne correspond pas aux évaluations imaginaires de nos pasteurs et de leurs soutiens pseudo-scientifiques, voire des dhimmis à leur solde, il est logique qu’ils ne s’intéressent pas (du moins officiellement) aux études dont les résultats les contrarient… C’est la même chose d’ailleurs pour bon nombre de journalistes qui semblent tomber des nues en découvrant qu’il existe beaucoup de fidèles français qui veulent vivre leur foi catholiques au rythme de la liturgie de leurs pères alors qu’ils « pensaient » que ce n’était pas le cas. Alors, ils jouent la surprise en lisant dans Le Parisien du 9 avril dernier : « Dans les Yvelines, catholiques "tradis" et messes en latin gagnent du terrain : la demande est grande. » Cette poussée traditionnelle est visible partout. Ce même avril, sur le site de BFMTV, un article de Céline Hussonnois-Alaya avait développé ce thème : « Ça s’insinue petit à petit. Les traditionalistes gagnent-ils du terrain dans l’Église ? » (https://www.bfmtv.com/societe/religions/ca-s-insinue-petit-a-petit-les-traditionnalistes-gagnent-ils-du-terrain-dans-l-eglise_AN-202304070023.html. C’est le sens de l’histoire, partout sensible, mais particulièrement dans le diocèse de Versailles.
Paix Liturgique : Mais revenons au sondage de 2018 qui s’intéressait à Saint-Germain-en-Laye.
Germain de Paris : Un sondage auquel vous aviez consacré une de vos lettres (lien vers la lettre 658) dont le résultat le plus important était que 24 % des Saint-Germinois qui se reconnaissaient catholiques pratiquants déclaraient qu’ils assisteraient volontiers à la liturgie traditionnelle au cas où celle-ci serait célébrée DANS LEUR PAROISSE.
Paix Liturgique : Presque un quart des pratiquants.
Germain de Paris : Ce qui a été considéré par bien des pasteurs du diocèse de Versailles comme un fantasme exagéré et qui est en train de se montrer être une réalité sur le terrain si l’on observe ce qui se passe aujourd’hui à Saint-Germain-en-Laye.
Paix Liturgique : Et que se passe-t-il donc...
Germain de Paris : Désormais plus de 220 fidèles assistent à la messe traditionnelle aux franciscaines, plus d’une centaine de saint-germinois y assistent à Saint-Louis du Port-Marly et une petite cinquantaine devant la chapelle de l’hôpital… faites vos calculs ! Nous sommes arrivés à la confirmation des éléments révélés par votre sondage de 2018, ce qui est en soi une très bonne nouvelle.
Paix Liturgique : Mais malgré cela vous continuez à ne pas faire confiance à vos pasteurs.
Germain de Paris : D’abord car je crois qu’ils ne s’attendaient pas à cette révélation en accordant une célébration traditionnelle à saint Germain en Laye et qu’ils vont donc rétropédaler à un moment ou à un autre alors que nous n’avons pas un accord clair pour l’avenir de cette expérience.
Paix Liturgique : Que craignez-vous ?
Germain de Paris : J’ai une longue expérience, au cours de laquelle j’ai constaté qu’on ne nous accorde que ce qu’on ne peut vraiment pas nous refuser et que, cela même, on le réduit dès qu’on le peut. Quid de la pérennité de la célébration qui a été accordée bien rapidement et par les améliorations qu’elle va impliquer ?
Paix Liturgique : Pouvez-vous donnez quelques exemples de vos craintes.
Germain de Paris : Que se passerait-il si un jour au dernier moment un célébrant n’était pas disponible ? Dans le cas actuel la messe risquerait de ne pas être célébrée et si cela se renouvelait – d’ailleurs comme les négociateurs l’avaient laissé entendre comme une possibilité – et bien la messe devenant irrégulière décourageraient une partie des fidèles et pourrait voir son avenir en péril.
Paix Liturgique : Vous pensez cela possible ?
Germain de Paris : C’est également ma crainte concernent la rupture des célébrations au cours de l’été. Cela pourrait être pour eux une excellente occasion pour – après réflexion – ne pas reprendre les célébrations à la rentrée de septembre pour toutes sortes de motifs infinis, par exemple car il n’y aurait plus à la rentrée de prêtres disponibles, ceux d’aujourd’hui se retrouvant mutés ailleurs au cours de l’été.
Paix Liturgique : Mais cela est impensable !
Germain de Paris : Cela c’est déjà produit de nombreuses fois. Et dans ce cas que se passera- t-il ? Rien je pense car c’est le propre des silencieux d’être silencieux. Il est probable qu’ils se tairaient. Voilà pourquoi j’avais exprimé une demande forte de garantie de la pérennité.
Paix Liturgique : Mais comment ?
Germain de Paris : En incluant dans l’accord – puisque depuis le début des soi-disant « négociations » l’on nous parle d’un « accord » – Une clause précisant que si à une occasion ou une autre le diocèse ne pouvait pas assurer une célébration, il serait automatiquement accordé aux fidèles de pouvoir faire appel à un prêtre de leurs amis : par exemple, car ils sont à proximité, à des prêtres de l’Institut du Christ-Roi ou bien sûr à d’autres clercs en règle.
Paix Liturgique : Mais cela n’a pas été accordé ?
Germain de Paris : Le désir imprudent de vouloir aller plus vite que le vent a empêché semble-t-il d’évoquer et de réfléchir à cette question tout à fait fondamentale.
Paix Liturgique : Vous évoquiez aussi la question de l’horaire de la messe.
Germain de Paris : Oui car je crois que 11h 30 est un horaire trop tardif d’autant qu’il ne se justifie qu’en raison de coup tordus successifs que les autorités du diocèse ont entrepris depuis cinq ans pour œuvrer autant qu’il leur était possible à empêcher toute les solutions.
Paix Liturgique : Mais de quels coups tordus parlez-vous ?
Germain de Paris : D’abord d’avoir installé la communauté ukrainienne fantôme uniquement pour justifier qu’il n’était pas possible d’accueillir une liturgie traditionnelle dans la chapelle des Franciscaines, puis, lorsqu’il a été patent que les Ukrainiens n’existaient pas vraiment, nos pasteurs bienveillants ont eu cette merveilleuse idée de mettre en place à grand frais une messe dite « grégorienne », d’abord à 9h30 puis, pour bien verrouiller toute possibilité d’installation d’une messe de l’usus antiquior à un horaire familial, de la repousser à 10h00 ce qui interdisait donc à la liturgie traditionnelle d’être célébrée avant 11h30. Mais au moment où la messe grégorienne vit ses derniers moments, à moins qu’elle ne soit déjà morte, voilà que l’on nous ressort à nouveau les Ukrainiens… Pour ma part je ne trouve pas bienveillantes toutes ces manipulations ? Voilà pourquoi je suis tout à fait suspicieux au sujet de la bonne volonté de nos interlocuteurs.
Paix Liturgique : Mais pour finir, ils ont toutefois bien accordé une messe traditionnelle à Saint-Germain ?
Germain de Paris : Oui, pour finir… Ce n’est pas de gaité de cœur qu’ils ont accordé cette célébration traditionnelle à Saint-Germain. En effet, il nous faut nous rappeler que pour en arriver là, c’est à dire à une application simple et normale de la demande des fidèles de Saint-Germain d’assister à la messe selon l’usus antiquior, il a fallu plus de 30 ans de supplications et de demandes, d’atermoiements, de déloyauté et de refus répétés jusqu’à un passé très récent.
Paix Liturgique : Pourquoi donc ont-ils fini par accepter cette célébration selon l’usus antiquior ?
Germain de Paris : Tout simplement car si des actions exceptionnelles n’avaient pas été entreprises nous en serions encore en amont de la case départ. Rappelez-vous tous les prédécesseurs du Père L’Hirondelle qui ont nié toute réalité à nos demandes et même laissé applaudir par quelques complices leur refus d’accorder même une miette : mais quelle vision avaient-ils de la réalité de leurs paroissiens ? Quel aveuglement ou alors quelle duplicité…
Paix Liturgique : Parce que vous pensez que si il n’y avait pas eu cette belle résistance dont vous parlez ils n’auraient rien accordé ?
Germain de Paris : Je pense qu’ils n’auraient rien accordé s’il n’y avait eu la crainte de voir se multiplier des images et des reportages à ce sujet sur les réseaux sociaux et dans la presse. Je vais vous en donner sinon une preuve tout au moins une forte présomption. Vous vous souvenez que vous aviez commandité en 2009, soit deux ans après la promulgation du motu proprio Summorum Pontificum, un sondage sur les désirs des catholiques de l’ensemble du diocèse de Versailles dont vous aviez publié le résultat dans votre lettre 212 (Lien) … des résultats tout à fait incroyables.
Paix Liturgique : Pouvez-vous nous les rappeler ?
Germain de Paris : 26% des pratiquants du diocèse (soit plus qu’à Saint-Germain en moyenne) avaient déclaré choisir d’assister à des célébrations traditionnelles si celles-ci étaient célébrées dans leurs paroisses. Mais nous savons que les résultats de ces sondages n’ont eu pratiquement aucune conséquence.
Paix Liturgique : que voulez-vous dire ?
Germain de Paris : Qu’à ce moment, c’est-à-dire dans les années qui suivirent le motu proprio de Benoit XVI, vous aviez, je crois, identifié plus de 30 groupes de demandeurs de liturgie traditionnelle dans le diocèse de Versailles.
Paix Liturgique : Tout à fait, des groupes dans tous les doyennés et dans de très nombreuses paroisses.
Germain de Paris : Le sondage révélait, j’y insiste, que plus d’un quart des pratiquants du diocèse désiraient vivre leur foi catholique au rythme de l’usus antiquior. Mais que leur fut-il répondu aux fidèles de Montfort-L’Amaury ? À ceux de Poissy ? À ceux de Louveciennes ? À ceux de Viroflay ? À ceux de Croissy ? À ceux de Saint-Nom-la-Bretèche ? À ceux de Houdan ? À ceux de Plaisir ? À ceux de Mantes ? Et dans bien d’autres paroisses ? Rien ou presque, sous le prétexte qu’ils n’existaient pas et n’étaient que des agitateurs, selon le propres propos de Mgr Aumônier l’évêque d’alors.
Paix Liturgique : Et n’oubliez pas le groupe de Notre-Dame de Versailles
Germain de Paris : Vous avez raison. C’est un exemple importantissime, car plus de 1000 fidèles de cette paroisse s’engagèrent dans cette demande soit pour demander d’y bénéficier d’une liturgie traditionnelle soit pour y faire bon accueil et pourtant le résultat fut là-aussi absolument négatif.
Paix Liturgique : Mais il y eu une petite réponse favorable du père Marc Boulle alors curé du Vésinet.
Germain de Paris : Oui, un vrai modèle de déloyauté, où ne furent concédées que des miettes sans lendemain (pour rappel il avait été accordé ad experimentum une messe le 1er vendredi du mois à… 20 heures – j’ai bien dit VINGT HEURE – avec évidemment l’espoir que cette proposition ne marcherait pas… et pourtant elle a fonctionné durant des années malgré son horaire totalement antifamilial jusqu’au moment où elle a disparu alors qu’elle devait être une expérience pour envisager « une suite ».
Paix Liturgique : Mais il y a eu tout de même Rambouillet.
Germain de Paris : En effet… là encre un propos dilatoire : « tentons une expérience et après nous verrons… »
Paix Liturgique : Mais l’expérience a bien été tentée...
Germain de Paris : Tout à fait, avec le succès que l’on sait, soit plusieurs centaines de fidèles à la première messe et ensuite toujours plus de cent alors que la messe n’y était célébrée qu’une fois par mois… Ce que l’on sait moins c’est, que près de 15 ans plus tard, il n’est toujours célébrée qu’une messe dominicale par mois à Rambouillet, ce qui nous indique qu’il est vain d’espérer « pouvoir ensuite améliorer les situations ». Cela devrait être normal avec de vrais interlocuteurs, mais ce ne l’est pas avec nos pasteurs qui ne nous aiment pas… Voilà pourquoi je ne peux avoir une confiance immédiate et spontanée envers des pasteurs déloyaux qui ne nous aiment pas et qui, si il n’y avait pas eu à Saint-Germain-en-Laye une résistance très importante, je dis même exceptionnelle depuis cinq ans, n’auraient jamais accordé quoique ce soit et voilà aussi pourquoi je reste en état de veille, si vous me permettez l’expression.
Paix Liturgique : Comment voyez-vous l’avenir ?
Germain de Paris : Soyons clairs : depuis cinquante ans nous sommes dans une situation où ceux qui veulent rester intégralement catholiques sont persécutés, ghettoïsés, et qu’on ne leur accorde quelque chose que contraint et forcé. Rien qui soit fondé sur l’a priori favorable qui devrait être la règle, sur la charité et sur le respect. Pour sortir de cette anormale et terrible situation il nous faut espérer voir venir dans le clergé une génération « d’hommes nouveaux » qui soient d’abord loyaux et francs et qui acceptent de considérer au minimum que ce que l’on reconnait du point de vue liturgique aux Amazoniens, aux Congolais et aux Mayas du Mexique, il faudrait l’accorder aux autochtones d’Europe. Ces hommes nouveaux, ces « nouveaux prêtres » arrivent. Ils comprennent que l’attachement à la liturgie d’avant est une force dont l’Église ne peut pas se passer.
Paix Liturgique : Donc pour l’instant vous continuez à vous réunir chaque dimanche à 11h pour votre messe devant la chapelle de l’Hôpital ?
Germain de Paris : Tout à fait et au moins jusqu’à la rentrée de septembre, puisqu’il n’y aura pas de messes chez les Franciscaines cet été. D’ici là nous observons, nous prions. Et nous prenons nos précautions…