Notre lettre 928 publiée le 27 mars 2023

LE CARDINAL CUPICH
ARCHEVÊQUE DE CHICAGO
VENT DEBOUT
CONTRE LES DÉFENSEURS
DE LA MESSE TRADITIONNELLE


Il faut lire le texte qui suit de l’archevêque de Chicago en le replaçant dans son contexte : de nombreux évêques et fidèles « ordinaires » des Etats-Unis sont en fronde latente vis-à-vis du gouvernement romain actuel, notamment à cause de l’offensive contre la liturgie traditionnelle, totalement incompréhensible et inopportune à leurs yeux. Tant le pape François que le cardinal Roche sont exaspérés par cette opposition. Contre ses confrères et contre cette opinion catholique conservatrice, le cardinal de Chicago se démène de manière très militante au service de la politique répressive romaine : pour être unis au Siège de Pierre, affirme-t-il, il faut accepter Vatican II et par conséquent la liturgie nouvelle, qui représente désormais l’unique expression de la lex orandi.

Le cardinal Blase Cupich, fidèle soutien du pape François qui le fit cardinal en 2016, a choisi la revue jésuite étatsunienne America Magazine, également proche du pape François, pour justifier une nouvelle fois la traque de la liturgie traditionnelle à travers Traditionis custodes et le récent rescrit accordé par le pape au cardinal Roche au sujet des dispenses pour la célébration du rite tridentin dans le cadre paroissial, désormais explicitement réservées au Saint-Siège (https://www.americamagazine.org/faith/2023/02/27/cupich-traditionis-custodes-mass-bishops-244807).

Il faut croire que les commentaires du cardinal ont trouvé faveur à Rome puisque son texte a été traduit en italien et publié par l’Osservatore romano début mars (https://www.osservatoreromano.va/it/news/2023-03/quo-050/nella-fedelta-ai-suggerimenti-dello-spirito.html).

Dans le texte original paru le 27 février dernier dans America, le cardinal-archevêque de Chicago en appelle à Paul VI et Jean-Paul II pour accuser les fidèles du rite traditionnel d’un travail de sape contre « la fidélité authentique au Siège de Pierre », mais en passant sous silence, parmi plusieurs citations de la Lettre apostolique du 4 décembre 1988 de Jean-Paul II sur la liturgie réformée, les dénonciations des « déviations » et des « innovations » par certains « heurtant même parfois les données de la foi ».

« Il appartient aux évêques d’extirper ces abus », écrivait Jean-Paul II qui, six mois plus tôt, par son Motu proprio Ecclesia Dei, prenait les « mesures nécessaires pour garantir le respect » des « aspirations » des « fidèles catholiques qui se sentent attachés à certaines formes liturgiques et disciplinaires antérieures de la tradition latine ».

Autre omission criante dans le texte du cardinal Cupich : le Motu proprio Summorum pontificum de Benoît XVI n’y est même pas évoqué. Lui-même ne l’a mis en œuvre qu’en « traînant des pieds », note Peter Kwasniewski, dénonçant le deux poids, deux mesures de ceux qui exigent la mise en œuvre pointilleuse des textes progressistes mais piétinent allègrement les dispositions conservatrices.

En tant qu’évêque de Rapid City (Dakota du Sud), en 2002, Mgr Cupich avait déjà passé outre les dispositions d’Ecclesia Dei en empêchant les premières communions selon la forme ancienne. Dans une sorte de préfiguration des réponses aux Dubia sur Traditionis custodes publiées par la Congrégation pour le Culte divin sous la houlette du cardinal Roche, il avait également cette année-là interdit aux fidèles de la paroisse Saint-Michael de célébrer le Triduum pascal selon le rite tridentin, tout cela au nom de l’« unité ». L’office du Vendredi-Saint s’était finalement déroulé sur le trottoir, devant les portes closes de l’église…

Devenu cardinal à la tête d’un des plus importants diocèses des Etats-Unis, l’archevêque de Chicago n’a laissé passer que dix jours après les Responsa ad Dubia du 18 décembre 2021 avant de publier ses propres directives visant à restreindre les droits de la liturgie traditionnelle. Dès le 25 janvier 2022, les prêtres étaient invités à proposer la célébration du Nouvel Ordo en latin, plutôt que la messe traditionnelle. Celle-ci a été proscrite certains jours de l’année, moyennant la célébration « exclusive » du Nouvel Ordo tous les premiers dimanches du mois, à Noël, pendant le Triduum pascal, et les Dimanches de Pâques et de Pentecôte – en latin éventuellement, mais face au peuple (https://www.vaticannews.va/en/church/news/2021-12/cardinal-cupich-chicago-policy-traditionis-custodes-1962-missal.html).

Quant aux abus liturgiques qui sont tolérés dans le diocèse de Chicago (https://www.lifesitenews.com/news/cardinal-cupich-under-fire-for-suppressing-latin-mass-allowing-blasphemous-liturgies/), ils ne sont guère condamnés par Blase Cupich, qui interdit par exemple aux prêtres dont il a la responsabilité de refuser la communion aux politiques faisant la promotion ouverte de l’avortement, aux divorcés remariés et aux personnes revendiquant l’activité homosexuelle. La mairesse lesbienne, et méthodiste, de Chicago, communia lors d’une messe de funérailles célébrée par le cardinal en août 2021, et il n’y eut pas de rappel à l’ordre.

Le cardinal n’a pas non plus émis l’ombre d’une protestation lorsque la paroisse Sainte-Sabine du diocèse de Chicago a organisé pour Noël 2021 (quatre jours avant l’annonce par Cupich des restrictions sur la messe traditionnelle) une messe de minuit agrémentée de danses autour de l’autel, de musique jazz et de mise en lumière digne d’un concert de rock ; le travestissement des paroles de la consécration par le célébrant à cette occasion n’entraîna pas non plus de sanction de la part du cardinal. Celui-ci est connu pour son ouverture au symbolisme païen, ayant lui-même prononcé au cours de différentes des bénédictions de « bonne fortune » propres aux rituels chinois du nouvel an. Lors d’une messe qu’il célébra à Rome en février 2020, Cupich assista sans sourciller à la mise en scène d’un rituel hindou pendant l’Elévation devant l’autel par plusieurs religieuses.

En juin 2022, la paroisse Saint-Patrick de Chicago accueillit deux homosexuels « mariés » à qui le célébrant laissa l’honneur de s’exprimer en lieu et place de son homélie : les deux hommes, qui ont adopté deux enfants, profitèrent de l’occasion pour comparer leur histoire à celle de la multiplication des poissons et du pain, et qualifier la légalisation du mariage des homosexuels de « miracle ». Il n’y eut aucune réaction de la part de l’archidiocèse.

Voici la traduction intégrale du texte du cardinal Cupich sur les fidèles qui restent attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise catholique.


*


« Rien de nouveau sous le soleil »


Ce verset du Livre de l’Ecclésiaste (I, 19) me vient à l’esprit au moment où je considère l’agitation que, dans l’Eglise et dans les médias, d’aucuns manifestent au sujet du Motu proprio Traditionis Custodes publié par le Saint-Père, et de la récente confirmation qu’il a donnée dans le Rescriptum ex Audientia publié par le cardinal Arthur Roche, préfet du Dicastère pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements.

Rappelons-nous que par ces documents romains, le successeur de Pierre, garant de l’unité de l’Eglise, appelle les évêques à aider tous les catholiques romains à reconnaître sans réserve que les livres liturgiques promulgués par saint Paul VI et saint Jean Paul II constituent l’expression unique de la lex orandi (la loi de la prière) du Rite romain. Le fait que le Saint-Père ait été obligé d’agir ainsi 60 ans après le concile Vatican II me désole mais ne m’étonne pas. Tout au long de mes 50 années de sacerdoce et de mes 25 années comme évêque, j’ai été témoin de l’existence de poches de résistance face aux enseignements et aux réformes du Concile, et plus particulièrement du refus d’accepter la restauration de la liturgie.

De fait, saint Jean-Paul II s’en était pris à frontalement à cette résistance dans sa Lettre apostolique du 4 décembre 1988, à l’occasion du 25e anniversaire de la Constitution Sacrosanctum Concilium sur la sainte liturgie du concile Vatican II :

« Il faut reconnaître que l’application de la réforme liturgique s’est heurtée à des difficultés dues surtout à… une privatisation du domaine religieux, un certain rejet de toute institution, une moindre visibilité de l’Eglise dans la société, une remise en question de la foi personnelle. On peut supposer aussi que le passage d’une simple assistance, assez souvent passive et muette, à une participation plus pleine et active a été une exigence trop forte pour certains. Il en est résulté des attitudes diverses et même opposées vis-à-vis de la réforme : certains ont reçu les nouveaux livres avec quelque indifférence ou sans chercher à comprendre ni à faire comprendre les motifs des changements ; d’autres, malheureusement, se sont repliés de manière unilatérale et exclusive sur les formes liturgiques précédentes, perçues par certains comme seule garantie de sécurité dans la foi. »

Certes, concédait-il, certaines innovations fantaisistes avaient perturbé l’unité de l’Eglise, heurtant la piété des fidèles. Mais, ajoutait-il, « cela ne doit pas faire oublier que les pasteurs et le peuple chrétien, dans leur immense majorité, ont accueilli la réforme liturgique dans un esprit d’obéissance et même de ferveur joyeuse ». Il écrivait alors ces mots que tous les catholiques, et en particulier ceux qui exercent des responsabilités au sein de l’Eglise, devraient prendre à cœur : « C’est pourquoi il faut rendre grâce à Dieu pour le passage de son Esprit dans son Eglise qu’a été le renouveau liturgique. »

Voici donc où je veux en venir : tout comme saint Jean-Paul II, le pape François prend au sérieux le fait que la restauration de la liturgie ait été le résultat du passage de l’Esprit Saint. Il ne s’agissait nullement de l’imposition d’une idéologie à l’Eglise par telle personne ou tel groupe. Par conséquent, nul ne doit aujourd’hui prétendre que le pape François (pas plus que le cardinal Roche, d’ailleurs) puisse avoir d’autre motivation en publiant Traditionis Custodes et en autorisant le Rescriptum que le désir de rester fidèle aux impulsions de l’Esprit Saint qui ont donné naissance aux enseignements et aux réformes du Concile.

Le saint et regretté pape soulevait dans sa Lettre de 1988 un autre point que nous autres, évêques, devons prendre au sérieux. Après avoir énuméré les nombreuses raisons de s’en tenir aux enseignements de la Constitution sur la sainte liturgie et aux réformes qu’elle a rendues possibles, il reprenait ces mots du rapport final du synode extraordinaire de 1985 : « Le renouveau liturgique est le fruit le plus apparent de toute l’œuvre conciliaire. » Il ajoutait : « Pour beaucoup, le message du deuxième Concile du Vatican a été perçu avant tout à travers la réforme liturgique. »

Le message est clair : si nous, les évêques, voulons sérieusement aider les catholiques à recevoir pleinement les enseignements du concile Vatican II, alors nous sommes dans l’obligation de promouvoir, en union avec le successeur de Pierre, la pleine adhésion aux réformes liturgiques du concile. C’est la raison pour laquelle le pape François a appelé tous les catholiques à accepter la restauration de la liturgie par Vatican II comme l’expression unique de la lex orandi du rite romain. Cette aspiration plonge ses racines dans l’ancienne tradition ecclésiastique initialement formulée par Prosper d’Aquitaine :

« Considérons aussi les rites des invocations sacerdotales. Transmis par les apôtres, ils sont célébrés uniformément dans le monde entier et dans toute l’Eglise catholique, de telle sorte que la loi de la prière détermine la loi de la foi (ut legem credendi lex statuat supplicandi). »

Si les efforts du Saint-Père en vue d’atteindre l’objectif de la pleine acceptation de la liturgie restaurée en tant qu’expression unique de la manière de prier dans le Rite romain devaient continuer d’être repoussés, cela ne m’étonnerait guère, car il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Mais il faut appeler cette attitude par son nom : une résistance aux impulsions de l’Esprit Saint, et une atteinte à la fidélité authentique au Siège de Pierre.


Cardinal Blase Cupich

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