Notre lettre 922 publiée le 24 février 2023

ROME...
LE PAPE...
VERSAILLES...
ET SAINT-GERMAIN-EN-LAYE


Paix Liturgique : Cher Germain avant d’en revenir aux affaires de Saint-Germain-en-Laye pourriez-vous nous rappeler dans quel contexte nous sommes ?

Germain de Paris : Le 16 juillet 2021 a marqué un changement apparent de paradigme car jusqu’à cette date nous étions encore dans le dynamique Summorum Pontificum, c’est-à-dire une dynamique de Paix et de Réconciliation. D’un seul coup, par la publication du motu proprio Traditionis Custodes, tout cela aurait été remis en question et nous nous serions retrouvés comme par magie plus de 50 ans en arrière, à la fin des années 60, lorsque l’Église conciliaire triomphante - ou du moins se pensant triomphante - croyait pouvoir imposer ses gesticulations au peuple de Dieu.


Paix Liturgique : Pourquoi précisez-vous « Un changement apparent » ?

Germain de Paris : Car, si je crois sincèrement que la tentative Traditionis custodes était comme le dernier, ou du moins l’un des derniers cris de la bête agonisante, il n’est pas certain pour moi que tous ceux qui se trouvaient à ce moment aux commandes de l’Eglise partageaient la même analyse.


Paix Liturgique : Pouvez-vous être plus précis ?

Germain de Paris : Prenons par exemple le Pape… L’observation de ses déclarations, et surtout de ses actions, est particulièrement intéressante pour ceux qui cherchent à savoir ce qui se passe vraiment.


Paix Liturgique : Mais le Pape argentin à plusieurs fois publiquement pris clairement fait et cause en faveur de Traditionis Custodes

Germain de Paris : Merci de préciser son caractère argentin qui, à lui seul, nous donne moult informations. Ne voyez pas d’ailleurs dans ma remarque des propos polémiques mais simplement une constatation que pour un argentin, et pour le pape Bergoglio en particulier, le oui ne signifie pas toujours OUI et le non pareillement. Il ne m’appartient pas d’en expliquer les raisons mais d’en constater la réalité.


Paix Liturgique : Pouvez-vous nous fournir quelques exemples ?

Germain de Paris : Prenez en premier lieu le décret accordé aux communautés dites Ecclesia Dei qui, en fait, les mettait en dehors des décisions les plus sévères de Traditionis custodes.


Paix Liturgique : Mais, attendez, ce décret sans vraie forme officielle du 11 février 2022 ne concerne que la Fraternité Saint-Pierre…

Germain de Paris : Pas seulement et le Pape a bien compris que ce qu’il répondait à deux prêtres de la Fraternité Saint-Pierre valait pour toutes les communautés anciennement Ecclesia Dei. C’est ce qui ressort d’informations prises aux meilleures sources.


Paix Liturgique : En avez-vous la preuve ?

Germain de Paris : Plus qu’une preuve… un constat, celui que, malgré les effets d’annonce, AUCUNE des autres communautés ex-Ecclesia Dei n’a été persécutée comme l’auraient voulu certains milieux de furieux romains.


Paix Liturgique : Mais tout de même les termes de Traditionis custodes étaient clairs.

Germain de Paris : Tout comme ont été très claires les paroles prononcées par le pape qui, en plusieurs occasions, ont été en contradiction avec les termes de Traditionis custodes.


Paix Liturgique : Avez-vous quelques exemples ?

Germain de Paris : Prenez-les réponses faites par François à Mgr. Aupetit lors des visites ad limina où, questionné par l’archevêque de Paris au sujet de la question des célébrations traditionnelles qui ne devaient plus se dérouler dans des églises paroissiales, il affirma «  C’est toi l’évêque ; tu fais ce que tu veux ». Or, nous savons que plusieurs fois le pape répondit dans ce sens à ses interlocuteurs.


Paix Liturgique : Donc pour vous le Pape se contredirait ?

Germain de Paris : Je répète que le Pape est un argentin et aussi un homme d’aujourd’hui. Aussi ne faut-il pas le concevoir avec la précision et la rigueur de maîtres scolastiques, ou de papes formés selon la culture ecclésiastique du passé comme l’étaient Pie XII ou même Paul VI. Rappelez-vous que c’est l’homme qui, à tout moment, critique le cléricalisme, plaide pour les périphéries, n’hésite pas à inviter les jeunes à contester les institutions : « Mettez la pagaille ! »


Paix Liturgique : N’exagérez-vous pas un peu…

Germain de Paris : Point du tout. Pensez au fait qu’il a accordé aux prêtres de la Fraternité Saint-Pie-X la capacité d’entendre des confessions et de recevoir les pouvoirs pour recevoir les consentements à mariage,  sans qu’elle l’ait demandé. Et ce dans la forme traditionnelle, bien sûr. Ce qui désormais, en théorie du moins, est interdit par les furieux de Rome aux autres prêtres catholiques.


Paix Liturgique : Comment l’expliquez-vous ?

Germain de Paris : Je ne l’explique pas ; je me contente de le constater… Certains croient y voir des réminiscences d’une vieille sympathie entre Bergoglio et certains membres de la Fraternité-Saint-Pie-X. D’autres parlent d’engagements pris lors du conclave de 2013 pour séduire des cardinaux conservateurs. C’est possible mais c’est pour moi bien insuffisant.


Paix Liturgique : En effet, car l’un des leitmotive de Traditionis custodes est d’agir pour éviter un schisme d’avec ceux qui critiqueraient Vatican II.

Germain de Paris : Donc il n’est pas besoin de vous laisser poursuivre, car si le but de Traditionis custodes était bien d’empêcher le développement, dans l’Eglise, de critiques de Vatican II, le mieux serait de combattre ceux qui le font le plus clairement, autrement dit les membres de la FSSPX.


Paix Liturgique : Quelle est votre hypothèse ?

Germain de Paris : En théorie un pape est tout puissant et dans cet imaginaire le pape François en rajoute… Mais, en même temps, le Pape veut gouverner seul, ce qui n’est pas si facile dès lors qu’il vit actuellement dans sa 87ème année… Il lui faut donc ruser avec ceux qui le poussent, notamment ceux que j’appelle les furieux de Rome, en ne leur donnant que ce qu’il veut leur donner.


Paix Liturgique : Mais qui sont ces furieux dont vous parlez ?

Germain de Paris : Notez qu’il n’y a pas que des furieux. Bien des Romains, même très bergogliens, aspirent à un gouvernement plus souple. Il y en a plusieurs groupes de ce que j’appelle les furieux. Mais focalisons-nous ici sur ceux qui sont les plus enragés partisans de Traditionis custodes c’est-à-dire la camarilla de Saint-Anselme qui agit derrière le pauvre et pathétique cardinal Arthur Roche.


Paix Liturgique : Pourquoi dites-vous « le pauvre Mgr Arthur Roche » ?

Germain de Paris : Parce qu’il faut bien constater que le cardinal Roche est un second couteau entouré d’un personnel issu du corps professoral de l’Université romaine spécialisée dans la liturgie, à savoir Saint-Anselme, ou en phase avec ce corps professoral.

Sans être injurieux pour les Romains, il est notoire que, dans la Ville éternelle, tout le monde essaie de manipuler tout le monde. Il est normal que l’on essaie de « pousser le bouchon » aussi loin que possible, compte tenu du grand âge du pape et de sa maladie. Mais il reste un grand politique, un homme de pouvoir, une sorte de séducteur qui sait qu’il n’a aucun intérêt à transformer la fin de son pontificat en guerre civile.


Paix Liturgique : D’où le rescrit.

Germain de Paris : Oui le pathétique rescrit (voir la traduction par Benoît-et-moi de l’article du Wanderer, qui interprète le rescrit d’audience du cardinal Roche comme une humiliation de ce dernier : Nouveau coup du Pape contre la liturgie traditionnelle: much ado about nothing | Benoit et Moi (benoit-et-moi.fr).


Paix Liturgique : Pourquoi parlez-vous de « Pathétique rescrit » ?

Germain de Paris : Parce que depuis des semaines l’on nous parle de ces rumeurs qui annonçaient une constitution apostolique qui ferait mieux et plus qu’un simple motu proprio ou même que deux ou trois nouveaux motu proprio. Tout ce bruit accouche d’un modeste compte rendu d’audience où le cardinal Roche obtient à demi-mots la confirmation des abus de pouvoir qu’il a entrepris depuis presque plus d’un an. Le cardinal Roche avait maille à partir avec des prélats américains auxquels il refusait qu’il puisse invoquer quelque indépendance pastorale.


Paix Liturgique : Des abus de pouvoirs ?

Germain de Paris : C’est une autre contradiction de notre époque et de ce pontificat que de voir prêcher la synodalité d’un côté et de réduire le pouvoir des évêques de l’autre en fait d’avoir exclu le Droit de la vie de l’Eglise.


Paix Liturgique : Mais quelles vont-être les conséquences ?

Germain de Paris : Comme d’habitude les évêques bons et généreux laisseront passer l’orage et les ennemis de la paix en profiteront pour combattre un peu plus les fidèles attachés à la Foi et à la liturgie catholique traditionnelle.


Paix Liturgique : Pourquoi « comme d’habitude » ?

Germain de Paris : J’entends par là, comme pour Summorum Pontificum. Lorsque le bon pape Benoit publia son motu proprio le 7 juillet 2007 l’immense majorité des ennemis de la paix n’agirent pas dans ce sens et ignorèrent avec mépris cette invitation à la paix. Les mêmes d’ailleurs auront l’audace de tenter d’appliquer « sur l’instant » les restrictions lorsque sera publié Traditionis custodes… Rappelons-nous d’ailleurs l’article du quotidien La Croix du 7 juillet 2007, qui avait eu l’audace de déclarer que ce motu proprio Summorum Pontificum « ne concernait pas la France pour la simple raison que dans notre pays les demandes étaient déjà satisfaites ». Pour notre part, à cette date, nous en avions identifié plus de 700 non honorées dans les paroisses de France.


Paix Liturgique : Et comment vivez-vous cela à Saint-Germain-en-Laye, dans le diocèse de Versailles ?

Germain de Paris : Avec un grand intérêt bien sûr, pour voir comment les autorités du diocèse vont réagir… Seront-elles le petit doigt sur la couture à partir en croisade plus vite que le pape contre les traditionalistes du diocèse ou bien verrons-nous notre pasteur agir avec courage et intelligence ? Là est la vraie question.


Paix Liturgique : Mais n’y a–t-il pas néanmoins des négociations en cours ?

Germain de Paris : Pour parler sérieusement nous n’y sommes pas encore ! Les premiers pourparlers n’accordaient pratiquement qu’une célébration traditionnelle un dimanche sur deux et pas de célébration pendant les vacances estivales... Grosse ficelle pour faire s’éteindre l’expérience.


Paix Liturgique : Et pour l’horaire...

Germain de Paris : La première proposition était risible… une célébration familiale proposée à 9h00. Aujourd’hui ils proposent 11h30 bien trop tard pour les familles et tout cela car ils ont essayé de créer une messe grégorienne qui ne répond à la demande de personne… ou presque… mais qui bloque le milieu de la matinée de l’église des Franciscaines où serait célébrée ces messes. Mais heureusement il reste la chapelle de l’ancien hôpital devant laquelle nous prions chaque dimanche depuis bientôt trois ans !


Paix Liturgique : Mais croyez-vous que dans ces temps de tempête le diocèse puisse vous accorder cette nouvelle célébration ?

Germain de Paris : Non je ne le crois pas possible surtout si le diocèse va jusqu’à en demander l’autorisation aux furieux de Rome. En revanche (la permission à un prêtre diocésain de célébrer la messe traditionnelle, s’il n’en avait pas le droit précédemment, est expressément réservée au Saint-Siège…)  qu’est-ce qui pourrait empêcher notre évêque, Mgr Luc Crépy, de laisser ouverte la porte de la chapelle Saint-Louis chaque dimanche (et fêtes) ? De cela il n’a pas à demander l’autorisation ! Il est évêque tout de même et ce serait un bon début pour préparer le moment où la vraie paix s’instaurera.


Paix Liturgique : Mais si il ne le fait pas ?

Germain de Paris : Nous continuerons à faire célébrer la messe traditionnelle, comme le mercredi des cendres, devant les portes fermées d’une église vide. Cela ne sera pas d’un grand profit pour l’évêque au moment où la Fraternité Saint-Pie-X, favorisée par le Saint-Père, est en train d’installer un gigantesque prieuré à Villepreux non loin de Versailles. Mais ce n’est sans doute qu’une apparente incohérence, si le désir du Saint-Père est de réserver le rite traditionnel aux communautés reconnues ou pas et d’en exclure les diocésains. Qui sait en effet ce que pense vraiment un argentin ?

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