Notre lettre 806 publiée le 6 juillet 2021
Liberté de la messe traditionnelle : hier, Rome contre les évêques ; aujourd’hui, des évêques contre Rome ?
L’érection de deux paroisses personnelles pour la messe traditionnelle - Analyse
Le 5 juillet, deux étonnantes nouvelles sont tombées, comme disent les journalistes à propos des dépêches d’agences : l’archevêque de Ferrare, en Italie, et l’évêque de Montauban, en France, ont érigé l’un et l’autre une paroisse personnelle vouée à la forme extraordinaire dans leurs diocèses respectifs.
Or ceci intervient dans un contexte d’extrême tension concernant les choses traditionnelles, du fait de l’annonce par le Saint-Père aux évêques d’Italie qu’il allait retoquer le motu proprio Summorum Pontificum de son prédécesseur, et dans la même ligne, l’annonce par l’archevêque de Dijon, Mgr Minnerath, qu’il licenciait les prêtres de la Fraternité Saint-Pierre qui desservaient un important groupe de fidèles traditionnel de son diocèse.
Ferrare, un pavé dans la mare pontificale ?
Nous le disions dans notre Lettre 805, le présent pontificat semble être entré dans une phase difficile. Aux oppositions à sa ligne libérale chez les conservateurs, succède une grogne parmi ceux qui le soutenaient jusqu’à présent et qui pensent déjà à l’avenir. Au point que, un certain nombre d’évêques italiens considérés comme progressistes considéreraient comme une faute politique la décision de relancer une guerre liturgique aujourd’hui, guerre qui ne pourrait que rajouter du chaos au chaos.
L’archevêque de Ferrare, qui est tout le contraire d’un traditionnel (il a été nommé pour inverser la tendance de l’ancien archevêque, Mgr Negri ; il a participé à l’exécution de Famiglia Christi, une communauté Ecclesia Dei pratiquant les deux formes liturgiques).
Et pourtant, comme l’explique le site Le Salon beige (A Ferrare, à l’inverse de Dijon, un signe positif : érection d’une paroisse personnelle pour la forme extraordinaire - Le Salon Beige), prenant acte de l’existence d’un coetus fidelium existens, d’un groupe de fidèles existant, il a décidé de leur offrir les services d’une paroisse personnelle confiée à un prêtre diocésain, qui célèbrera la messe quotidienne et dominicale, le Triduum pascal, tous les sacrements et tous les sacramentaux en la forme extraordinaire. Pourront même être célébrés les mariages des fidèles de la Fraternité Saint-Pie-X. Il va jusqu’à préciser qu’à ces services liturgiques est jointe la relativa catechesi, le catéchisme correspondant. La paroisse en question sera la troisième érigée en Italie.
Comment ne pas voir avec Le Salon beige dans cette fondation d’une paroisse traditionnelle la confirmation de la rumeur selon laquelle un certain nombre de prélats italiens plutôt progressistes répugnent au torpillage de Summorum Pontificum, alors que le pape Bergoglio s’est montré d’une extrême tolérance vis-à-vis de la FSSPX
Montauban, un pavé dans la mare des évêques progressistes ?
L’évêque de Montauban, Mgr Ginoux, qui, comme l’archevêque de Dijon, n’est pas très loin de sa retraite, a pris la même décision : Mgr Ginoux érige une paroisse personnelle confiée à l'Institut du Christ-Roi - Le Salon Beige. La différence est que Mgr Ginoux passe pour l’un des plus conservateurs parmi les évêques de France.
Il érige une paroisse personnelle pour la forme traditionnelle – la cinquième en France – qu’il confie à une communauté Ecclesia Dei, l’Institut du Christ-Roi, dans l’église de Gasseras, banlieue de Montauban, qui fut desservie jadis par un de ces curés qui conservèrent contre vents et marées la messe de saint Pie V après le Concile, l’abbé Bouzouls.
La signification de l’évènement est ici un peu différente. Un certain nombre d’évêques, comme Mgr Minnerath, entendent profiter des décisions romaines à venir pour réduire au maximum la voilure de Summorum Pontificum Quelques-uns se seraient même réunis ces derniers temps pour coordonner leurs actions. D’autres au contraire, par ouverture vers le monde traditionnel bien vivant, par réalisme, ou encore par crainte de voir renaître un climat de guerre liturgique ouverte qui a laissé bien des plaies non refermées en France, entendent au contraire persévérer dans la politique de pacification. Citons sans exhaustivité, en précisant que leur engagement peut être à divers degrés : Mgr Ginoux, Mgr Rey de Fréjus-Toulon, Mgr Batut de Blois, Mgr Aillet de Bayonne, Mgr Bozo de Limoges, Mgr Rougé de Nanterre, Mgr Brouwet de Lourdes, et Mgr de Moulins-Beaufort lui-même, archevêque de Reims et président de la CEF, qui a désigné deux évêques, Mgr Lebrun de Rouen et Mgr Leborgne d’Arras, pour établir des rapports plus suivis avec les communautés Ecclesia Dei. D’autres encore.
La période qui s’ouvre sera peut-être difficile, voire très difficile, pour la messe traditionnelle, mais rien n’est joué d’aucune manière. Jusqu’à un certain point, on peut dire que, dans la crise ouverte depuis un mois à propos de Summorum Pontificum, chacun prend ses marques pour un futur pontificat.
Annexe : le décret d’érection de la paroisse personnelle dans le diocèse de Montauban :
Vu les canons 515, 518 et 520
Vu le motu Proprio du pape Benoît XVI Summorum Pontificum, du 7 juillet 2007, article 10
Vu l’instruction Universae Eccesiae du 30 avril 2011, en ses articles 13 et 14,
Après avoir consulté le conseil du presbyterium,
Nous, Bernard GINOUX par la grâce de Dieu et la volonté du Siège Apostolique, évêque de MONTAUBAN
décrétons l’érection d’une paroisse personnelle pour les fidèles du diocèse de MONTAUBAN attachés à la forme extraordinaire du rite romain.
Cette paroisse, sous le vocable de la Nativité de Notre-Dame, est aujourd’hui confiée à l’Institut du Christ-Roi Souverain prêtre.
Un curé parmi les prêtres de cet institut sera nommé par l’évêque de Montauban sur proposition du Provincial de France du dit institut, représentant le supérieur général. Il jouira de toutes les facultés prévues par le droit.
La cessation des fonctions du curé se fera par accord des deux parties. Un vicaire pourra être nommé de la même manière si les activités pastorales de la paroisse le requièrent.
L’église dite de la nativité de Notre-Dame sise à Gasseras ne fait plus partie de l’ensemble paroissial de Saint-Orens-Villebourbon. Elle devient l’église paroissiale de la nouvelle paroisse personnelle.
Le curé de la paroisse personnelle bénéficie des droits et devoirs prévus par le droit canonique et la législation civile pour tout curé.
La paroisse disposera de ses propres registres.
Fait à MONTAUBAN, le 29 juin 2021
Monseigneur Bernard GINOUX, évêque de Montauban
Chanoine Louis Albert, chancelier du diocèse