Notre lettre 455 publiée le 2 septembre 2014

UN NOUVEAU TÉMOIGNAGE DE LA PRÉSENCE DE SILENCIEUX DANS NOS PAROISSES…
EN ITALIE COMME EN FRANCE !


Un jour de vacances, ma découverte de la messe extraordinaire ; tous les dimanches, ma souffrance dans la messe ordinaire : tel est, en substance, le témoignage qu'un journaliste italien a livré à ses lecteurs cet été.


I – « LA MESSE N’EST PAS FINIE, DEO GRATIAS ! »

Article de Rino Cammilleri pour La Bussola Quotidiana du 10 août 2014

Ce que je m’apprête à écrire n’a aucune vocation polémique, les disputes intra-ecclésiales ne me passionnant pas. Au contraire, elles m’irritent : je considère que ce sont des affaires de prêtres et que moins les laïcs s’y intéressent, mieux c’est. Trop souvent les prêtres se comportent comme si l’Église était leur chasse gardée et se vexent quand on les critique. De fait, depuis 50 ans, soit depuis le Concile, les prêtres ont la bouche remplie du fameux « rôle des laïcs » mais, au bout du compte, ce rôle voici comment ils le voudraient : à genoux, obéissants et le portefeuille grand ouvert.

J’ai désormais un certain âge et je confesse que quand je tombe sur des disputes sur le Concile, je change de chaîne, je tourne la page ou clique sur un autre lien. Je fais de même à propos de la Messe, nouveau rite, ancien rite, progressisme, traditionalisme. J’en ai marre depuis longtemps. Quand mon grand-père avait l’âge que j’ai aujourd’hui et que j’étais enfant, je me rappelle qu’il me disait toujours : « Tiens-toi à l’écart des prêtres. Honore-les, respecte-les, salue-les dans la rue, baise-leur la main (cela se faisait encore) et va à la Messe mais ne te mélange pas à eux. » Devenu écrivain, je découvris avec surprise que Padre Pio était de la même opinion. Il ne supportait pas les laïcs qui tournaient autour des soutanes : on les appelait « grenouilles de bénitier » à l’époque, ce sont aujourd’hui des « laïcs engagés dans la pastorale ». Le Saint disait, de la manière rude qu’on lui connaît : « Ou dedans, ou dehors ! » En d’autres termes : si l’ambiance vous plaît alors entrez dans le clergé ; sinon, sortez de la sacristie et soyez de vrais laïcs !

L’expérience, c’est quand vous vous rendez compte, trop tard, de ce que vous venez de faire. Aujourd’hui je sais, par expérience, qu’aussi bien mon grand-père – homme très religieux – que Padre Pio – saint, ascète et mystique – avaient raison. Tous les deux souffrirent par la faute du clergé. Les misères de Padre Pio sont bien connues... Tout ceci étant précisé, j’en viens à mon sujet.

Cela fait des années que la messe dominicale est associée dans mon esprit à une heure de martyre dont je me passerais volontiers. Une heure d’embarras, d’ennui. Des homélies banales et interminables. Des chansonnettes pop aux paroles crétines. Des harangues exténuantes et rhétoriques au Père Éternel conclues par « … ô Seigneur, écoute-nous ». Des signes de la paix moites. Une mini-procession ridicule pour porter les « offrandes » à l’autel. Des avis paroissiaux sans fin à écouter debout avant de recevoir la bénédiction finale (donc englobés abusivement dans la liturgie). Un « Nous rendons grâce à Dieu » qui (m)’échappe comme un cri de soulagement avant de pouvoir, enfin !, sortir et revoir les étoiles. Je répète : je ne recherche aucune polémique. Il s’agit juste de mes impressions personnelles.

Aujourd’hui, toutefois, j’ai découvert que, dans la petite ville du Lac Majeur où je passe d’ordinaire l’été, il y a un prêtre qui dit l’ancienne Messe. Une seule, le samedi après-midi. J’y suis allé, par curiosité. En effet, quand celle-ci était encore en vigueur, je n’allais pas à la Messe du tout. C’était donc pour moi une vraie nouveauté. À mon étonnement, le célébrant faisait quasiment tout de lui-même, les participants devant « répondre » seulement de temps en temps. Et quel silence ! Le tabernacle était au centre de tout, et non le show du prêtre. Dans un coin, quelqu’un entonnait les anciens hymnes en latin et, à ma grande surprise, je sentais quelque chose se dénouer en moi. Je ne me rendais pas compte du temps qui passait et étais attentif et concentré comme jamais, je « participais » pour de vrai. Je sortis encore habité d’un sens du sacré que je n’avais jamais ressenti auparavant. Il y avait des livres pour suivre la Messe, de ceux avec les rubans rouges pour marquer les pages. Je ne comprenais pas grand-chose mais – autre surprise – une Bengalaise, assise à mes côtés et ayant saisi mes difficultés, se mit à m’indiquer les gestes justes.

Une Bengalaise ! Le 5 août, une lectrice romaine m’a écrit pour me raconter la Messe à laquelle elle avait assisté le matin à Sainte-Marie-Majeure. Chaque année, pour l’anniversaire du miracle de la neige y est célébrée une Messe solennelle en latin. Voici ce que m’écrit la lectrice : « Je me suis retrouvée à chanter et répondre à côté d’un couple de jeunes Allemands et de deux noires américaines qui connaissaient à la perfection les répons de la Messe en latin, chantés ou non. Cela m’était déjà arrivé il y a quelques années avec des Japonais et c’est vraiment émouvant de ressentir et de vivre de cette façon la catholicité de l’Église. » Eh oui, pour se mettre au goût des années 60 (du siècle dernier), l’Église a renoncé à sa langue sacrée (alors que le judaïsme et l’islam maintiennent rigoureusement la leur). Le résultat de ce que Vittorio Messori qualifia dans un entretien de « coup d’État clérical », c’est que si je me rends en Espagne, par exemple, je me retrouve à devoir assister à des Messes en catalan, en castillan, en basque, etc.

Dans le touriste catholique, je reconnais difficilement un frère et la « catholicité » dont parle la lectrice devient théorique, et non une réalité palpable. Désolé, mais nous sommes aussi faits de chair. Dans cette petite église du Lac Majeur, j’ai vu un prêtre qui portait à Dieu les prières du peuple qui se trouvait religieusement (c’est le cas de le dire !) recueilli dans son dos. Évidemment, m’a-t-il confié ensuite, son obstination à vouloir célébrer une (une !) Messe par semaine selon le Motu Proprio de Benoît XVI lui a valu l’inimitié de son évêque et de ses confrères diocésains.

Rassurez-vous, à la fin de l’été, à mon retour en ville, je n’ai aucune intention de faire des kilomètres pour chercher une Messe selon la forme « extraordinaire » (sic). J’offrirai, comme toujours [comme tous les silencieux d'Italie, de France et d'ailleurs, ndlr], ma peine dominicale au Seigneur dans ma paroisse habituelle, pour le rachat de mes péchés.



II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE


1) Un « silencieux » type : Rino Cammilleri est revenu à la foi catholique après une jeunesse étudiante passée entre activisme gauchiste et nihilisme philosophique. Né en 1950, il n’a donc en effet commencé à s’asseoir sur les bancs de son église paroissiale qu’après la réforme liturgique. Son texte, même s’il s’en défend, a bien entendu une dimension polémique. Le jugement qu’il porte ici sur sa fréquentation de la messe réformée est d’autant plus sévère qu’il se fait un point d’honneur à demeurer fidèle à sa paroisse. C’est là un trait psychologique bien connu de tout individu consentant à se satisfaire d’une situation pourtant insatisfaisante à ses yeux : il cultive une colère sourde qui ne demande qu’à exploser. C’est la condition de bien des silencieux de l’Église auxquels nous nous efforçons, lettre après lettre, de donner la parole.


2) Recueillement, sens du sacré, attention portée sur le mystère de la Croix qui se renouvelle et non sur le célébrant : les bienfaits que Cammilleri trouvent dans la liturgie traditionnelle sont bien connus et sont précisément ceux qui ont motivé Benoît XVI à proposer la forme extraordinaire comme modèle pour la réforme de la forme ordinaire. Mais ce que souligne aussi Cammilleri, c’est la « catholicité » authentique permise par la liturgie traditionnelle. Cette universalité nous en rendons compte régulièrement, de Chicoutimi au Canada à Chihuahua au Mexique et elle constitue à nos yeux une clé du renouveau du missel traditionnel à travers le monde. Par-delà les différences et les cultures, la liturgie latine et grégorienne, dans sa forme extraordinaire (comme ordinaire d’ailleurs, les rarissimes fois où elle est célébrée en latin et en respectant les rubriques), permet d’exprimer d’une seule et même voix l’unité des croyants. Le succès, depuis Benoît XVI surtout, de la réintroduction du latin dans les messes pontificales en est une bonne illustration de même que l’enracinement progressif du pèlerinage international du peuple Summorum Pontificum à Rome.


3) Ce n'est qu'un détail, mais... il semble que ce soit lors d’une messe dominicale anticipée du samedi après-midi que Rino Cammilleri a découvert la messe traditionnelle ! Voilà un créneau horaire fort insatisfaisant dans l'absolu mais que les demandeurs gagneraient parfois à demander à leurs curés lorsque ceux-ci leur opposent l’impossibilité de changer les horaires de la paroisse le dimanche matin : on saurait alors jusqu'à quel point le curé est de bonne foi…


4) « Bien sûr, il est Italien » diront certains, mais la position de Cammilleri vis-à-vis des prêtres est significative : comment ne pas y retrouver une attitude similaire à celle de ces milliers de silencieux qui, de par le monde entier, aiment l'Église, aiment leurs paroisses, aiment leurs évêques, aiment leurs prêtres et leurs curés et qui, pour cela, préfèrent souffrir pour le pardon de leurs péchés plutôt que d’être accusés d’être des provocateurs de désordre ou des révoltés, ce dont on ne manque pas de les accuser s'ils avouent leur attrait pour la messe traditionnelle alors qu'ils sont les plus dociles et les plus soumis des paroissiens ? Oh ! comme il serait bel et bon que nos pasteurs le comprennent et, par esprit de charité et d’amour, soient prêts à donner à leurs ouailles ce dont elles ont tant besoin et qu’elles demandent d’une manière aussi profondément silencieuse... Le problème est que, depuis des années, l'existence d'une majorité de silencieux attachés à la forme extraordinaire est indiscutable… mais totalement occultée. 


5) En 2009, le sondage effectué par l’institut Doxa auprès des catholiques italiens pour le compte de Paix liturgique et de Messa in Latino révélait que 63 % des pratiquants transalpins assisteraient volontiers à la forme extraordinaire au moins une fois par mois si celle-ci venait à être célébrée dans leur paroisse. Comme toujours, ces résultats ont été accueillis par le silence gêné des évêques. Parce que, en Italie comme ailleurs, nos pasteurs savent bien qu’ils reflètent une réalité que, bien souvent, ils se refusent d’accepter. C’est cette réalité que l’article de Rino Cammilleri dépeint. C’est avant tout DANS LEUR PAROISSE que les catholiques désirent goûter les fruits du Motu Proprio de Benoît XVI.




Ce curé est-il prêt à accepter l'idée que, parmi ses paroissiens habituels,
figurent des fidèles désireux de bénéficier des fruits de
Summorum Pontificum ?

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